Parijs - 19e eeuw Paul Arène (1843-1896)

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1843, 26 juni

Paul Arène geboren in Sisteron

1882

Paris ingénu (complete vertelling)

Schijnduel met een papegaai

LE PERROQUET.

J'ai fait une découverte aux saltimbanques. Oui, parmi tous ces hercules, danseurs de corde et avaleurs de sabre, femmes de feu et femmes géantes, montreurs de phénomènes et diseurs de bonne aventure, dont les exercices ne varient guère, j'ai trouvé quelque chose de pittoresque et d'original qui — évoquant soudainement dans ma pensée le souvenir du grand combat soutenu par Cyrano de Bergerac contre le singe de Brioché — m'a reporté, à travers trois siècles, au temps des parades sur le pont Neuf.

Ici ce n'est plus d'un singe, mais d'un perroquet qu'il s'agit : un ara superbe, orange et pourpre.

Le perroquet est sur une table ; un bout de fleuret, emmanché d'une façon spéciale, s'adapte à son bec. Le maître du perroquet, en tenue de salles d'armes, se campe devant lui, une épée d'enfant à la main.

Attention! l'assaut commence : le maître salue de l'épée, le perroquet salue de l'épée ; le maître fait trois appels du pied, le perroquet fait trois appels ; le maître se fend, le perroquet se fend aussi, et c'est alors entre l'homme et l'oiseau une série d'attaques, de parades, de

marches et de contre-marches, de feintes, de coups et de bottes à rendre jaloux les raffinés d'autrefois et les friands de la lame d'aujourd'hui.

Le maître est quelquefois touché, le perroquet plus rarement ; dans l'un et l'autre cas, le perroquet, retirant à l'aide de sa patte la pointe d'acier qui lui décore le bec, et roulant amicalement une langue épaisse et noire pareille à une grosse noisette, s'approche du bord de la table, tend le cou et donne le baiser de paix à son adversaire.

Jusqu'à présent on s'était volontiers représenté le perroquet, animal sagacé et méditatif, portant sur son œil rond les lunettes en or du magistrat ou du notaire. Celui-ci, au contraire, grâce à la courbure extravagante de son profil, rappelle plutôt le type connu des Matamore et des Fracasse. Son allure m'a même paru légèrement provocante, et vraiment, si j'étais de force, si je m'appelais Carolus Duran ou Legouvé, je ne résisterais pas au désir de croiser le fer avec lui.

1896, 17 december Paul Arène overlijdt in Antibes
1900

Poésies de Paul Arène - Préface d'Armand Silvestre

ÉPITRE A MANON

 

J’y songe malgré mes douleurs

A ces belles heures passées

Où vous me rapportiez des fleurs

Qu'on volait aux Champs-Elysées.

 

Saurais-tu me dire à présent

Ainsi qu'autrefois: " Tiens, regarde,

Voler des fleurs, c'est amusant,

Mais comme j'avais peur du garde! »

 

Bénassit pourrait-il encor

Te dessiner les mains petites,

Toute blanche, avec un coeur d'or,

Et pareille à tes marguerites.

 

Vous aviez un grand perroquet

Grâce à qui, toutes les semaines,

Notre budget se compliquait

De l'achat d'un kilo de graines.

 

C'était un païen forcené,

Talon rouge, mais fort en gueule,

Que ta mère t'avait donné

Et qu'elle tenait d'une aïeule;

 

Un perroquet bruyant, charmant,

Un vieux perroquet qui, sans être

Grave extraordinairement,

Avait le calme d'un ancêtre.

 

Cet oiseau peint sur un blason

Aurait fort bien, armes parlantes,

Symbolisé de ta maison

Les cent traditions galantes.

 

Tu le caressais, plissant l'oeil,

Lui chantait: — « Ça me ravigote! »

Puis, se gonflant avec orgueil,

Il disait : — « Merci, ma cocotte! »

 

Toujours en plein rêve, obsédé

Par un antique répertoire,

Il mêlait Garât et Vadé,

La Régence et le Directoire.

 

Sa voix semblait comme un écho

De l'époque exquise et lointaine

Où fleurissait le rococo,

Ou Manon Lescaut était reine.

 

Et s'il hasardait quelquefois.

Un vieux refrain trop peu sévère,

Ton coeur l'excusant: — « Ça, tu vois,

C'est la chanson de ma grand'mère ».

 

Hélas! ici-bas tout finit,

Et les marguerites volées,

Sur ton chapeau grand comme un nid,

Un beau jour se sont envolées.

 

Le perroquet cher aux amours

Est mort, maintenant tu te montres

En longue traîne de velours,

Avec des bagues et des montres.

 

Ces jolis seins que j'ai connus

Se cachent parmi la dentelle.

Où sont les corsets ingénus?

Plus riche, tu te crois plus belle.

 

Pourtant, malgré ce que tu dis,

Je sais bien, moi, que tu regrettes

Les petits dîners de jadis,

Mon cinquième et mes cigarettes.

 

Il n'est pas vrai ton sérieux.

Et tu ne m'en veux que pour rire,

J'ai vu tout cela dans tes yeux,

Ces grands yeux clairs où je sais lire.

 

C'est pourquoi, dimanche, j'irai,

Ayant quelques écus de reste,

Chez Hoffmann, endroit consacré,

Faire un petit repas modeste.

 

Tu la connais bien, n'est-ce pas?

Cette avenante brasserie

Toute vigne vierge et lilas,

Qui dans trois jours sera fleurie.

 

Avec les moineaux, quel concert!

Viens-y, comme autrefois, je gage

Que tu m'aimeras au dessert

En m'ayant maudit au potage.

 

Sinon quelqu'un me vengera

De la tristesse où tu me plonges;

Le fantôme d'un gros Ara

Viendra t'apparaître en tes songes;

 

Et ce perroquet pourpre et feu,

Se mirant aux glaces pâlies

Du Paradis tendu de bleu

Où si méchamment tu m'oublies,

 

Pour renouveler ses leçons

Et te reprocher les paresses

De ce long mois sans trahisons

Puisque, hélas! il fut sans caresses,

 

Crête haute, bec courroucé,

Des éclairs dans son oeil en bille,

Dira: — « Manon, c'est insensé:

Vous déshonorez la famille! »