Esopus

INHOUD HPM Dossier: De fabel van de aap en de papegaai

CuBra

HOME

 

Esopus

Esopus - Collectie Villa Albani, Rome

Totaaloverzicht Papegaaienfabels

De fabel van de aap en de papegaai volgens Alphonse Allais

Esopus - gravure uit 1789

Charles Perrault (1628-1703)

Le Perroquet et le Singe

Un Perroquet se vantait de parler comme un homme: " Et moi, dit le Singe, j'imite toutes ses actions. " Pour en donner une marque, il mit la chemise d'un jeune garçon qui se baignait là auprès, où il s'empêtra si bien que le jeune garçon le prit et l'enchaîna.

Il ne faut se mêler que de ce qu'on sait faire,

Bien souvent on déplaît pour chercher trop à plaire.

Charles Perrault

1678

Isaac de Benserade

Fables D'Esope En Quatraines Dont Il y En a Une Partie Au Labyrinthe de Versailles

 

Le Singe & le Perroquet

Le Perroquet eut beau par son caquet

Imiter l'Homme, il fut un Perroquet.

Et s'habillant en homme, sous le linge,

Le Singe aussi ne passa que pour Singe.

 

 

Dossier Labyrinth van Versailles

1678

Isaac de Benserade

Un jour le Singe & le Perroquet pensèrent se donner pour Animaux raisonnables, & se mirent en tête de se faire passer pour tels. Le premier crut qu'on le prendroit pour un Homme, dès qu'il en auroit pris les habits. L'autre s'imagina qu'il le feroit aussi, s'il pouvoit contrefaire la voix humaine. Le Singe donc s'habilla. Le Perroquet apprit quelques mots, après quoi l'un & l'autre sortirent de leurs Bois, & vinrent se produire à certaine Foire. Lorsqu'ils parurent, chacun y fut trompé: Mais comme le Singe ne disoit rien, & que le Perroquet ne disoit jamais que la même chose, on fortit bientôt d'erreur. Ainsi ceux qui les avoient pris d'abord pour de vrais Hommes, ne les prisent un quart d'heure après que pour se qu'ils croient.

En vain l'on se déguise. Un Homme est il né sot,

Il le sera toujours: un geste, un ris, un mot,

Sa démarche, son air, tout le fait reconnoître;

Il faut ne l'être point, pour ne le pas paroître.

 

1690

 

Fénelon: Fables, Les Dialogues des morts

Le Singe.

Un vieux singe malin étant mort, son ombre descendit dans la sombre demeure de Pluton [Pluton, frère de Jupiter, roi des enfers, lieux souterrains où les anciens plaçaient le séjour des âmes après la mort] où elle demanda à retourner parmi les vivants. Pluton voulait la renvoyer dans le corps d'un âne pesant et stupide, pour lui ôter sa souplesse, sa vivacité et sa malice: mais elle fit tant de tours plaisants et badins, que l'inflexible roi des enfers ne put s'empêcher de rire, et lui laissa le choix d'une condition. Elle demanda à entrer dans le corps d'un perroquet. Au moins, disait- elle, je conserverai par là quelque ressemblance avec les hommes, que j'ai si longtemps imités. Etant singe, je faisais des gestes comme eux; et étant perroquet, je parlerai avec eux dans les plus agréables conversations. A peine l'âme du singe fut introduite dans ce nouveau corps, qu'une vieille femme causeuse l'acheta. Il fit ses délices; elle le mit dans une belle cage. Il faisait bonne chère et discourait toute la journée avec la vieille radoteuse, qui ne parlait pas plus sensément que lui. Il joignait à son nouveau talent d'étourdir tout le monde je ne sais quoi de son ancienne profession: il remuait sa tête ridiculement; il faisait craquer son bec; il agitait ses ailes de cent façons, et faisait de ses pattes plusieurs tours qui sentaient encore les grimaces de Fagotin' [Fagotin, singe habillé que les charlatans font voir avec eux sur les tréteaux] La vieille prenait à toute heure ses lunettes pour l'admirer. Elle était bien fâchée d'être un peu sourde, et de perdre quelquefois des paroles de son perroquet, à qui elle trouvait plus d'esprit qu'à personne. Ce perroquet gâté devint bavard, importun et fou. Il se tourmenta si fort dans sa cage, et but tant de vin avec la vieille, qu'il en mourut. Le voilà revenu devant Pluton, qui voulut cette fois le faire passer dans le corps d'un poisson pour le rendre muet: mais il fit encore une farce devant le roi des ombres; et les princes ne résistent guère aux demandes des mauvais plaisants qui les flattent. Pluton accorda donc à celui-ci qu'il irait dans le corps d'un homme. Mais comme le dieu eut honte de l'envoyer dans le corps d'un homme sage et vertueux, il le destina au corps d'un harangueur ennuyeux et importun, qui mentait, qui se vantait sans cesse, qui faisait des gestes ridicules, qui se moquait de tout le monde, qui interrompait les conversations les plus polies et les plus solides, pour dire des riens ou les sottises le plus grossières. Mercure [le messager des dieux], qui le reconnut dans ce nouvel état, lui dit en riant: « Ho! ho! je te reconnais: tu n'es qu'un composé du singe et du perroquet que j'ai vus autrefois. Qui t'ôterait les gestes et tes paroles apprises par coeur sans jugement, ne laisserait rien de loi. D'un joli singe et d'un bon perroquet, on n'en fait qu'un sot homme. »

Oh! combien d'hommes dans le monde, avec des gestes façonnés, un petit caquet et un air capable, n'ont ni sens ni conduite!

Fénelon

1743

 

Auteur non connu: Les fables d’Esope

 

Le Singe et Le Perroquet

Deux Singes sont, rivaux de caractère,

Vrai Singe l'un, Bertrand, premier du nom:

L'autre aussi fol, c'est Perroquet mignon:

Singe en babil, un fat n'en manque guére.

Fidele écho de tout ce qu'il entend,

Il redit tout, bien ou mal, il n'importe:

Qui d'entre nous souvent n'en fait autant;

Quant à Bertrand, Singe de l'autre sorte,

Il va, revient, capriolant, sautant,

Grattant son dos, aux gens faisant la figues,

Copiant tout, assez mauvais métier,

Qui met souvent le Copiste en intrigue,

Comme le fait va lë justifier.

 

Gens se baignoient aux bords de la Tamise,

Où de l’Euphrate, (à quoi le nom sert-il?)

Moni Perroquet s'éveille, & son babil,

Lui fait près d'eux dire mainte sotise.

Bertrand fait pis: il voit une chemise,

Court, s'en saisit, la passe entre ses bras.

On l'apperçoit, grand est son embarras.

Le linceul tient, l’inepte Bête est prise.

 

SENS MORAL

Au dire d'un Prélat*, qu'à bon droit on renomme,

De ces deux Animaux on fait un fort sot homme.

 

* M. D. Fenelon, Archevêque de Cambray.

 

1748

Henri Richer

 

Le Singe et Le Perroquet

 

Un Singe étoit jaloux de certain Perroquet,

L'objet de la tendresse

De son Maître & de sa Maitresse.

Je ne voi pas, dit Bertrand, le sujet

Pourquoi l'on te caresse.

Nourri de mets friands, tu n'as point d'autre nom

Que petit Fils ou Perroquet mignon:

Moi, jouet des Laquais & traité de frippon,

J'ai fort souvent les étrivières.

Avec moi ces Messieurs ont d'étranges maniéres,

Amusez-les, servez-leur de Bouffon,

Le salaire est le fouet ou des coups de bâton.

Les Animaux qu'on nomme raisonnables

Devroient respecter leurs semblables.

Je leur ressemble assurément:

Tu ne peux le nier. Malheureux Garnement,

Répond le Perroquet! Ta plainte est ridicule.

On peut t'étriller sans scrupule:

Tu l'as toujours trop mérité,

Te comparer à l'Homme est une extravagance.

Tu n'as que la malice & la difformité

De quelques-uns, honteuse reflemblance.

Je lui ressemble mieux & par le beau côté:

Je parle comme lui. Le Magot irrité

Lui dit: maudit Causeur, dont le babil assomme

Tu parles, il est vrai, mais non pas comme

l'Homme.

Penses tu que l'on fasse cas

De toutes ces vaines sornettes,

Que sans cesse tu nous repètes,

Et que toi-même n'entends pas

 

Sur ses petits talens ainsi chacun se flatte;

Et maint Fou se croit un Socrate.

 

1774

 

Aubert, Abbé Jean-Louis: Fables et Oeuvres diverses

Le Chat, le Singe et le Perroquet

 

Un homme avait un Singe, un Perroquet, un Chat,

Un enfant écolier, autre maligne bête,

Une femme aimant le sabbat,

Femme en tous points, à jaser toujours prête;

C'est tout, je crois: c'est plus qu'il n'en faudrait

Pour me faire tourner la tête.

Mais bien ou mal, cet homme s'en tirait.

Mon fils, redoutez le minet,

Disait-il à l'enfant sans cesse;

Ne lui faites jamais d'imprudente caresse ,

Car le drôle aussitôt vous égratignerait:

C'est ainsi de tout temps qu'en agit son espèce.

Il ne fut question à l'égard du marmot,

Du Perroquet ni du Magot,

L'un était enchaîné, l'autre était dans sa cage;

Il les craignait tous deux et ne leur disait mot.

La mère en prenait soin; mais l'époux, homme sage,

Lui disait les les jours: Ne les agacez pas:

Il en pourrait résulter des débats

Où vous n'auriez pas l'avantage.

De la leçon elle fit peu de cas.

Un jour que son mari sortit pour quelqu'affaire,

La dame avec Jacquot fit assaut de caquet;

Elle fouetta le singe et le mit en colère;

Et l'enfant qui la voyait faire,

De son côté caressa le minet.

Qu'arriva-t-il de là? Ce qu'avait dit le père:

Le Chat égratigna l'enfant.

Jacquot mordit la femme. Et que fit dom Bertrand?

Mille fois pis encor: Bertrand rompit sa chaîne,

Fit un vacarme de démon,

Brisa maint ornement façonné dans Vincenne,

Cassa glaces et pots, démeubla la maison.

Le mari de retour, recueillant tout le blâme

Des malheurs arrivés dans cette occasion,

Vit qu'il avait à tort compté

sur la raison

D'un écolier et d'une femme.

L'Abbé Aubert

1814

 

Madame Adine Joliveau

Fables nouvelles en vers, divisées en neuf livres

Le singe, la perruche et Chloé

 

Le singe:

J’amuse en vain Chloé notre aimable maîtresse,

Dit le Singe Bertrand, par mille jolis tours:

La Perruche:

Et moi Cateau, par les plus beaux discours

J'espérais, mais en vain mériter sa tendresse.

Le singe:

Nul ne sait mieux que moi, tourner, baller, sauter;

La Perruche:

Moi, crier, jurer, tempêter.

Le singe:

Souvent elle sourit, plus souvent je l'ennuie.

La Perruche:

Son joli doigt, à moi, rarement se confie.

Le singe:

Qu’on nous dise qu'on plaît par de charmes défauts;

La Perruche:

« S'amuse-t-on de nous ainsi qu'on fait des sots?

« Tandis que nous voyons la petite Chiffonne [naam van een hond]),

« Fort gentille, il est vrai, mais un peu monotone

« Qui par son japement toujours nous étourdit,

« Le jour sur ses genoux et sur ses pieds la nuit.

« Partout on la promène, et pour tant de tendresse

« Elle agite sa queue et lèche la mattresse.

« Beau talent, qui lui vaut le sucre et les biscuits.

« On nous néglige, nous, qui sommes mieux instruits »

Chloé

Votre esprit atteindrait votre insolence extrême

Vos talons, dit Chloé, raviraient les esprits,

Je la préférerais. Pourquoi? C'est qu'elle m'aime.

Envoi à Chiffonne:

Modèle de constance et d'un sensible coeur,

Toi, qui de mon époux avais charmé la vie;

Je t'aimais, et pourtant aux souhaits d'une amie,

Je te cédai, Chiffonne, et je fis ton bonheur.

Je ne m'en repens point! Chloé m'a fait paraître

Doux sentiment, ses pleurs ont coulé pour ton maître

Ah! si jamais, pour toi, mon coeur n'a varié,

Conserre-moi toujours ta fidèle amitié.

Esopus door Velasquez, 1640

1822

 

Frédéric Hautecour: Fables et contes

Le Singe et le Perroquet

 

Un singe, ainsi qu'un perroquet,

Se disoient des gens d'importance,

L'un vouloit que pour son caquet,

El l'autre pour sa ressemblance

Avec le roi des animaux,

On vantât par-tout leur mérite,

Et qu'on les traitât, dans la suite,

Différemment de leurs égaux.

Voulant donc que tous leurs semblables

Les crussent de gens raisonnables,

Maître singe se revêtit

D'une culotte et d'un habit:

L'autre, imitant la voix humaine,

Apprit quelques phrases par coeur,

Qu'en criant jusqu'à perdre haleine,

Il débitait en orateur.

Se croyant un mérite rare,

Nos deux amis quittant les bois,

L'un charmé de sa belle voix,

L'autre de sa mine bisarre,

A la foire d'un bourg voisin,

Ils vont tous deux un beau matin:

A tous ceux qui pouvoient l'entendre,

Venez, messieurs, crioit l'oiseau,

Jouir d'un spectacle nouveau,

Qui sûrement va vous surprendre;

Venez entendre un Cicéron,

Et voir un nouvel Apollon!

Espérant voir ces belles choses,

Le public accourut au bruit;

On dit même qu'il applaudit,

Croyant voir des métamorphoses.

Mais le singe ne parloit pas,

Il ne faisoit que la grimace

Et quelque tour de passe-passe,

Dont le public fut bientôt las.

Comme il se répétait sans cesse,

L'oiseau ne fut pas plus heureux:

Chacun reconnut son espèce,

Et le trouva fort ennuyeux:

L'illusion était finie.

Nos deux pélerins tout honteux

D'avoir donné la comédie,

Et de s'être fait moquer d'eux,

Retournèrent dans leur pays,

Très-fâchés d'en être sortis.

 

Bien des gens de ma connoissance

On tort de parler de science;

Ils ont beau citer de grands mots,

On les reconnoît pour des sots,

Et l'on rit de leur ignorance.

On se moque aussi d'un lourdeau

Qui, voulant faire le capable,

Prend les habits et le manteau

De quelqu'un de recommandable.

1823

 

Feraudy, Joseph-Barthélemy de (Colonel): Quelques fables, ou Mes loisirs

Le Singe

 

Un singe, chez les morts, s'en fût un beau matin;

C'était au temps de la métempsycose

Pluton très-mécontent de ce singe malin,

A le punir, sans délai, se dispose,

Et veut vous l'affubler de la peau d'un baudet.

Allarmé d'un pareil projet,

Fagotin, pour avoir sa grâce;

Par mille tours de passe-passe,

Par mille, sauts de sa façon,

Fit rire et désarma Pluton.

Quand on sait les flatter, qu'on sait les faire rire,

Des dieux comme des rois on est sûr du pardon.

Notre singe fléchit le dieu du noir empire,

Et d'un aimable perroquet

Put obtenir enfin I'habit et le caquet.

Né sous une étoile heureuse,

Il fut le perroquet mignon

D'une vieille et riche causeuse.

Le vin, les noix et le bonbon

Tombaient dans sa cage à foison.

Mais pour avoir mangé beaucoup trop de dragées,

Ververt en noirs cyprès vit ses roses changées.

Le voilà descendu de nouveau chez Pluton;

Qui de lui, cette fois, voulut faire un poisson.

C'eût été, tout-à-fait, lui couper la parole;

Notre gaillard joua si bien son rôle,

Siffla, chanta, sur un si plaisant ton,

Qu'il arriva, qu'en somme

Le dieu le renvoya sous la forme d'un homme.

Mercure, un jour, ce messager des dieux,

Qui court partout, et voltige en tous lieux,

Dans un cercle apperçut ce plaisant personnage;

Le reconnut parfaitement

A son air fat et suffisant,

A son pitoyable langage

Et lui dit en riant: celui qui t'ôterait

Tes gestes façonnés et ton bruyant ramage,

Ne laisserait de toi, plus rien du tout, je gage.

 

De ce singe, et du perroquet,

Que d'hommes, ici bas, nous offrent l'assemblage!

1829

 

Louis Fayeulle: Poésies diverses

Le singe et le perroquet

 

Dans le même logis, un singe, un perroquet,

Un peu fripons de leur nature,

En bons amis vivaient à l'aventure;

L'un par son éternel caquet,

L'autre par maintes gentillesses,

Plaisaient à tous, de tous avaient caresses.

Le malin perroquet, friand comme Ververt,

Un jour, après certain dessert,

Vit Bertrand s'allécher d'un pot de confiture:

« De ton talent, dit-il, tirons usure: »

Maître Bertrand avait des yeux d'Argus;

Les bons morceaux étaient bien son affaire;

Mais sur ce point, enfin, disons motus.

Ensemble faisant ordinaire,

A qui mieux complaisans et soumis,

Partout en commensaux on les avail admis.

Alors d'un même avis, dans ce cas d'importance,

On régla les moyens de doubler la pitance;

Ce qui fut signé, bref, par droit d'égalité.

Après des si, des mais, comme c'est l'ordinaire,

Nos deux reclus, à l'unanimité ,

Conclurent, terminant cette Catilinaire ,

Que leur hôte n'était qu'un être pécunieux ,

Un égoïste enfin des plus fastidieux.

L'on dit même qu'avant de lever la séance,

On conçut le projet d'attaquer la finance.

Combien d'êtres, hélas!

Souvent, en pareil cas ,

De la plus noire ingratitude

Se sont fait une habitude.

1868

 

Drevet, P.-G.: Fables de P.-G. Drevet

Le Perroquet et Le Singe

 

Un perroquet, détestable chrétien,

Qui confondit toujours le mien avec le tien,

Sans que l'on pût jamais amener sa science

A mettre entre les deux la moindre différence,

Avait pour compagnon de ses tristes exploits

Un singe ennemi-né des sergents et des lois.

L'un l'autre ils se valaient; pourtant, s'il faut en croire

Des faits dont la justice a gardé la mémoire,

Pour ces qualités-là qu'on affiche au poteau,

Le quadrupède encor l'emportait sur l'oiseau.

Ce dernier, un matin, s'étant laissé surprendre,

Crut ne pouvoir se mieux défendre

Qu'en accusant Bertrand de valoir moins que lui.

« Sur ces bancs à ma place il serait aujourd'hui

Si le ciel était juste et la cour équitable;

Car voilà ce qu'on peut appeler un coupable!

Je ne suis pas un saint; mais ce singe est, ma foi,

Un bien autre larron que moi.

- Cela se peut, lui répliqua le juge;

Mais sachez, faisant trêve à ce vain subterfuge,

Qu'incriminer autrui, devant tout tribunal,

C'est se justifier très-mal. »

1888

 

Henry Macqueron: Fables

Le diable et son homme

Dans les sentiers tortus d'une sombre forêt

Le Diable au clair de lune errait.

Or il imagina de fabriquer un homme

Pour son service; et voici comme

Procéda le malin esprit.

Il attrapa d'abord un singe, ensuite il prit

Un perroquet. Voilà le geste et la parole.

On complétera la façon

Dans la peau d'un caméléon.

Et le Diable en gaîté fit une cabriole.

Puis il pila ses animaux,

Puis il les fit bouillir. Il marmottait des mots

Ténébreux, ou beuglait comme un boeuf qu'on assomme.

Mais quoi! quand Satan évoqua,

Et crut tirer de sa marmite un homme,

Il n'apparut qu'un avocat.

1893

Georges Haurigot

Revue des traditions populaires 1893/01

Littérature orale de la Guyane Française

Jaco ké Macaque (Le perroquet et le singe)

légende du singe qui feint de ne pas savoir parler pour qu'on ne le contraigne pas au travail est répandue, dans toutes les colonies françaises.

— Tu as beau ressembler à l'homme, disait un jour le perroquet au singe, tu n'es pas capable de parler comme moi!

— Tu parles, répondit le singe, parce que tu n'as pas de mains, et que, dès lors, on ne peut pas te faire travailler. Si je voulais parler, je m'en tirerais mieux que toi; mais je me garderais bien de chercher moi-même du tracas pour mon corps.

1930

 

Franc-Nohain: Dites-nous quelque chose de Franc-Nohain

Le singe, le perroquet et le gardien de troupeau

 

Le Singe, en grimaces prodigue,

Jadis avec le Perroquet,

Oiseau dont on connaît l'impertinent caquet,

Tous deux fondèrent une ligue.

Le Singe, le premier, avait ourdi l'intrigue,

Et dit au second ses desseins:

— Je sais me servir de mes mains,

Croquer une noisette et peler une figue,

Regarder au travers d'une glace sans tain,

Me dresser tout debout et marcher droit et digne,

Bref, pour ressembler aux humains,

Rien ne me manque, on en convient,

Rien,

Rien, au juste, que la parole.

Toi qui parles, mon cher, comme un maître d'école,

Unis donc tes talents aux miens:

Tu parleras, moi je ferai les gestes,

Et, par le ciel que j'en atteste,

Nous devons ainsi, toi et moi,

Aux autres animaux imposer notre loi,

Leur apparaître un envoyé céleste,

Et à notre profit détrôner l'Homme-Roi. —

Pacte conclu; aussitôt nos deux drôles

Se mettent en campagne: assemblage parfait,

Couple charmant et plein d'attrait,

Le Singe gravement portait

Le Perroquet sur son épaule.

Un enfant aperçoit ce spectacle nouveau;

Il menait des dindons avec une baguette.

Le Singe s'empresse, s'arrête:

— Régalons-le d'un compliment honnête,

Dis-lui bonjour, et que le temps est beau!... —

Souffle-t-il à son interprète.

Mais la baguette aux mains du gardien du troupeau

Inquiète à ce point l'oiseau, —

On répète que la parole

Vole, —

Qu'il s'envole en effet sur l'arbre le plus haut,

Laissant le Singe tout penaud

Au milieu de ses révérences.

 

On peut avoir le sens de l'à-propos,

Mais être privé d'éloquence;

La réciproque est vraie; en toute circonstance,

Le difficile est, sans détours,

D'accorder l'acte et le discours.

Franc-Nohain in de fabel volgens Alphonse Allais

Franc-Nohain