Parijs - 19e eeuw Alexandre Dumas père Histoire de mes bêtes

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1867

Histoire de mes bêtes

De eerste verhalen verschenen in 1855 in Le Mousquetaire, andere in 1864 in Nouvelles. Ze werden verzameld in 1867.

 

J'avais un grand perroquet bleu et rouge appelé Bavât.

J'avais un perroquet vert et jaune appelé papa Everard.

J'avais un chat appelé Mysouff.

Un faisan doré appelé Lucullus.

Enfin, un coq appelé César.

 

*

XIII. Comment je fus séduit par une guenon verte et un ara blue

(...)

Je me promenais donc sur le quai comme Hamlet.

Triste et les bras pendants dans mon rôle et ma vie.

lorsque je vis, à la porte d'un marchand d'animaux, une guenon verte et un ara bleu.

La guenon avait passé sa patte à travers les barreaux de sa cage et m'avait attrapé par le pau de ma redingote.

Le perroquet bleu tournait la tête et me regardait amoureusement avec son œil jaune, dont la prunelle se rétrécissait et se dilatait avec une expression des plus tendres.

Je suis fort accessible à ces sortes de démonstrations, et ceux de mes amis qui disent me connaître le mieux prétendent, pour mon honneur et celui de ma famille, qu’il est bien heureux que je ne sois pas né femme.

Je m'arrêtai donc, serrant, d'une main, la patte de la guenon et grattant, de l'autre, la tète de l'ara, au risque qu'il m'en arrivât autant qu'avec l'ara du colonel Bro. Voir mes Mémoires. 

Mais, loin de là, la guenon tira doucement ma main à la portée de sa gueule, passa sa langue à travers les barreaux de sa cage, et me lécha tendrement les doigts.

Le perroquet inclina sa tête jusqu'entre ses deux pattes, ferma à demi et béatement ses yeux, et fit entendre un petit râle de volupté qui ne laissait aucun doute sur la sensation qu'il éprouvait.

— Ah! par ma foi! me dis -je, voilà deux charmants animaux, et, si je ne les soupçonnais pas de valoir la rançon de Duguesclin, je demanderais leur prix.

— Monsieur Dumas, dit le marchand en sortant de sa boutique, vous accommoderai-je de ma guenon et de mon perroquet?

Monsieur Dumas! c'était une troisième flatterie qui mettait le comble aux deux autres.

Un jour, je l'espère, quelque sorcier m'expliquera comment il se fait que mon visage, un des moins répandus qu'il y ait par la peinture, la gravure ou la lithographie, soit connu aux antipodes, de façon que, partout où j'arrive, le premier commissionnaire venu me demande:

— Monsieur Dumas, où faut-il porter votre malle?

Il est vrai qu'à défaut de portrait ou de buste, j'ai été grandement illustré par mes amis Cham et Nadar;   mais alors les deux traîtres me trompaient donc, et, au lieu de faire ma caricature, c'était donc mon portrait qu'ils faisaient?...

Outre l'inconvénient de ne pouvoir aller nulle part incognito, cette popularité de mon visage en a encore un autre: c'est que tout marchand, ayant lu dans mes biographies que j'ai l'habitude de jeter mon argent par les fenêtres, ne me voit pas plutôt approcher de son magasin, qu'il prend la vertueuse résolution de vendre trois fois plus cher à M. Dumas qu'il ne vendrait au commun des martyrs, résolution qu'il met tout naturellement à exécution.

Enfin, le mal est fait, il n'y a plus à y remédier.

Le marchand me dit donc, de cet air onctueux du marchand qui est bien décidé à vous vendre quand même vous ne seriez pas décidé à lui acheter:

— Monsieur Dumas, vous accommoderai-je de ma guenon et de mon perroquet?

Il n'y avait que deux lettres du mot à changer pour lui donner sa véritable signification, qui était: «Monsieur Dumas, vous incommoderai-je de ma guenon et de mon perroquet? »

— Bon! répondis-je, du moment que vous me connaissez, vous allez me vendre votre perroquet et votre singe deux fois ce qu'ils valent.

— Oh! monsieur Dumas, pouvez-vous dire! Non, ce n'est pas à vous que je voudrais surfaire. Vous me donnerez... voyons...

Le marchandent l'air de cherchera se rappeler le prix d'achat.

— Vous me donnerez cent francs.

Je dois dire que je tressaillis d'aise. Je n'ai pas une connaissance bien exacte du prix courant de la place à l'égard des singes et des perroquets, mais cent francs, pour deux créatures pareilles, me parurent un bon marché inouï.

— Seulement, je dois vous dire en honnête homme, continua le marchand, que le perroquet ne parlera probablement jamais.

Cela doublait son prix à mes yeux. J'aurais donc un perroquet qui ne me bredouillerait pas éternellement aux oreilles son inévitable «As-tu déjeuné, Jacquot? »

— Ah! diable! repris-je, voilà qui est fâcheux.

Mais à peine eus-je dit ce mot, que j'eus honte de moi-même: j'avais menti, — et menti dans l'espérance d'obtenir une diminution, tandis que le marchand avait dit la vérité, au risque de déprécier sa marchandise.

Aussi, emporté par le remords:

— Tenez, lui dis-je, je ne veux pas marchander avec vous, je vous en donne quatre-vingts francs.

— Prenez-les, dit sans la moindre hésitation le marchand.

— Ah! mais, entendons-nous, fis-je en voyant que j'étais volé, quatre-vingts francs avec la cage de la guenon et le bâton du perroquet.

— Dame, fît le marchand, ce n'était pas nos conventions, mais je ne peux rien vous refuser. Ah! vous pouvez vous vanter de m'avoir amusé, vous, avec votre Capitaine Pamphile. Allons, allons, il n'y a rien à dire, vous connaissez les animaux, et j'espère que ceux-là ne seront pas malheureux chez vous. Prenez la cage et le bâton.

La cage et le bâton valaient bien quarante sous.

Selon l'invitation du marchand, je pris la cage et le bâton, et je rentrai à l'hôtel de l’ Amirauté avec un faux air de Robinson Crusoé.

 

Ill.: Adrien Marie

Alexandre Dumas door Nadar

Alexandre Dumas door Cham

Dumas maakt bouillabaisse - karikatuur door Cham

Amédée Charles Henri de Noé, dit Cham (1819-1879)

Alexandre Dumas door André Gill

 

Onbekende karikaturist

 

XIV. De quelle façon je sus que les perroquets se reproduisent en France

Je n'ai pas besoin de vous dire que mademoiselle Desgarcins et Buvat n'étaient point encore baptisés, mon habitude étant d'appuyer les noms, surnoms et sobriquets de mes commensaux sur des qualités ou des infirmités physiques ou morales. Ils s'appelaient tout simplement la guenon et l’ara.

— Eh vite! eh vite! Michel! dis-je en entrant, voilà de la pratique pour vous.

Michel accourut, et reçut de mes mains la cage de la guenon et le sabot du perroquet, d'où la queue sortait comme un fer de lance.

J'avais substitué un sabot qui m'avait coûté trois francs, au perchoir, qui me revenait à vingt sous.

— Tiens, dit Michel, c'est la guenon callitriche du Sénégal, — Cercopithecus saba.

Je regardai Michel avec le plus profond étonnement.

— Que venez-vous de dire là, Michel?

— Cercopithecus saba.

— Vous savez donc le latin, Michel? Mais il faut me le montrer dans vos moments perdus, alors.

— On ne sait pas le latin, mais on connaît son Dictionnaire d'histoire naturelle.

— Ah! sapristi ! et cet animal-là, le connaissez- vous? lui demandai-je en tirant le perroquet de son sabot.

— Celui-là, dit Michel, je crois bien que je le connais! c'est l'ara bleu, — Macrocercus ara canga. Ah! Monsieur, pourquoi n'avez-vous pas rapporté la femelle en même temps que le mâle?

— Pourquoi faire, Michel, puisque les perroquets ne se reproduisent pas en France?

— C'est justement là que monsieur se trompe, dit Michel.

— Comment, l'ara bleu se reproduit en France?

— Oui, monsieur, en France.

— Dans le Midi, peut-être?

— Non, Monsieur, il n'y a pas besoin que ce soit dans le Midi.

— Où cela, alors?

— A Caen, Monsieur.

— Comment, à Caen?

— A Caen, à Caen, à Caen!

— J'ignorais que Caen fût sous une latitude qui permît aux aras de se reproduire. Allez me chercher mon Bouillet, Michel.

Michel m'apporta le dictionnaire demandé.

Cacus, ce n'est pas cela... Cadet de Gassicourt, ce n'est pas cela... Caducée, ce n'est point cela... Caen...

— Vous allez voir, dit Michel. Je lus:

— « Cadomus, chef-lieu du département du Calvados, sur l'Orne et l'Odou. à 223 kilomètres ouest de Paris. 41.870 habitants. Cour royale, tribunal de 1re instance et de commerce... »

— Vous allez voir, dit Michel, les perroquets vont venir.

— « Collège royal; faculté de droit; académie.-. »

— Vous brûlez!

— «Grand commerce de plâtre, sel, bois du Nord... — Pris par les Anglais en 1346 et 1417. — Repris par les Français, etc.

— Patrie de Malherbe, T. Lefebvre, Choron, etc. — cantons: Bourguebus, Villers-Bocage. etc.. plus Caen, qui compte pour deux; 205 communes et 140,435 hab. — Caen était la capitale de la basse Normandie. » Voilà tout, Michel.

Comment! il n'est pas dit dans votre dictionnaire que l’ Ara canga, autrement dit l'ara bleu, se reproduit à Caen?

— Non, Michel, cela n'y est pas dit.

— Eh bien, voilà un joli dictionnaire! Attendez, attendez: moi, je vais aller vous en chercher un, et vous verrez.

En effet, cinq minutes après, Michel revint avec son Dictionnaire d'histoire naturelle.

— Vous allez voir, vous allez voir, dit Michel en ouvrant son dictionnaire à son tour. Péritoine, ce n'est pas cela... Pérou, ce n'est pas cela... Perroquet, c'est cela! « Les perroquets sont monogames... »

— Vous qui savez si bien le latin. Michel, savez- vous ce que cela veut dire, monogame?

— Ça veut dire qu'ils peuvent chanter sur tous les tons, je présume.

— Non, Michel, non, pas tout à fait; cela veut dire qu'ils n'ont qu'une épouse.

— Ah, ah! fit Michel, c'est parce qu'ils parlent comme nous, probablement... Voyons, j'y suis! « Longtemps on avait cru que les perroquets ne se reproduisaient point en Europe, mais les résultats ont fait preuve du contraire, etc., etc., sur une paire d'aras bleus qui vivait à Caen... » A Caen, vous voyez

bien, Monsieur...

— Ma foi, oui, je vois.

— « M. Lamoureux nous fournit les détails de ces résultats. »

— Voyons les détails de M. Lamoureux, Michel. Michel continua:

— « Ces aras, depuis le mois de mars 1818 jusqu'au mois d'août 1822, ce qui comprend un espace de quatre ans et demi, ont pondu soixante-deux œufs en neuf pontes... »

— Michel, je n'ai point dit que les aras ne pondaient point; j'ai dit...

— « Dans ce nombre, continua Michel, vingt-cinq œufs ont produit des petits dont dix seulement sont morts. Les autres ont vécu et se sont parfaitement acclimatés... »

— Michel, j'avoue que j'avais de fausses notions à l'endroit des aras...

— « Ils pondaient indifféremment dans toutes les saisons, continua Michel, et leurs pontes ont été plus productives dans les dernières années que dans les premières... »

— Michel, je n'ai plus rien à dire...

— « Le nombre des œufs, dans le nid, variait, il y en avait jusqu'à six ensemble...»

— Michel, je me rends, secouru ou non secouru...

— Seulement, dit Michel refermant son livre, monsieur sait qu'il ne faudra lui donner ni amandes amères ni persil?

— Les amandes amères, je comprends cela, répondis-je: elles contiennent de l'acide hydrocyanique; mais le persil?

Michel, qui avait laissé son pouce enfermé dans le livre, rouvrit le livre:

« Le persil et les amandes amères, lut-il, sont, pour les perroquets, un poison violent. »

— C'est bien, Michel, je ne l'oublierai pas.

Je l'oubliai si peu, que, quelque temps après, comme on m'apprit que M. Persil était mort subitement, je m'écriai:

— Ah! mon Dieu! il aura peut-être mangé du perroquet? Par bonheur, la nouvelle fut démentie le lendemain.

 

*

 

Nous portâmes la petite cage près de la grande cage; nous mimes les deux portes ouvertes en face l'une de l'autre. La guenon se précipita dans son nouveau logement, bondit de bâton en bâton et finit par s'accrocher aux barreaux en me grinçant des dents, en jetant des cris plaintifs et en me montrant la langue.

— Monsieur, dit Michel, voilà une bête qui veut un mâle.

— Vous croyez. Michel!

— J'en suis sûr.

— Vous pensez donc que les singes se reproduisent comme les perroquets?

— Il y en a au jardin des Plantes qui y sont nés.

— Si nous lui donnions le perroquet?

— Monsieur, il y a un petit Auvergnat qui vient ici avec son singe demander de temps en temps un sou. A la place de monsieur, je lui achèterais son si nui.

— Pourquoi plutôt celui-là qu'un autre?

— Parce qu'il est doux comme un agneau et qu'il a reçu une excellente éducation. Il a une toque avec une plume, et il salue quand on lui donne une noix ou un morceau de sucre.

— Sait-il faire encore autre chose?

— Il se bat en duel.

— Est-ce tout?

— Non, il cherche les poux à son maître.

— Et vous croyez, Michel, que le jeune Allobroge se défera d'un animal qui lui est si utile?

— Dame, vous comprenez, c'est à lui demander.

— Eh bien, Michel, nous lui demanderons, et, s'il est raisonnable, nous ferons deux heureux.

— Monsieur! dit Michel.

— Eh bien?

— Le voilà justement.

— Oui?

— L'Auvergnat au singe.

Effectivement, la porte de la cour s'entr'ouvrait et une grosse ligure, douce et placide, se montrait par l'ouverture.

 

*

 

Arrivé à Stora, Jugurtha monta sans difficulté aucune dans le bateau, du bateau sur le Vétoce, s'installa sur le beaupré, et attendit, attaché à la base du màt, qu'une nouvelle cage lui fût confectionnée. Il y entra tout seul, la laissa clouer sur lui sans essayer le moins du monde de déchiqueter les doigts des ouvriers, reçut avec une reconnaissance visible les morceaux de viande que le maître coq du bâtiment lui donnait avec une régularité qui faisait honneur à sa philanthropie; et, trois jours après son installation a bord, il me présentait sa tête pour que je la grattasse comme on gratte les perroquets; seulement, une fois arrivé à Saint-Germain, Michel essaya inutilement de lui faire dire le Gratte, coco '! sacramentel.

Et voilà comment je rapportai d'Algérie un vautour qui me coûtait quarante mille francs, et ne coûtait que dix mille francs au gouvernement.

Andrew Lang - The Animal Story Book - waarin de Histoire de mes bêtes van Dumas uitgebreid wordt naverteld. HPM werkt aan een weergave van Lang's tekst. [Mededeling van Gert Haverkate]

Dumas koopt papegaai en aap - illustratie uit Andrew Lang's hervertelling. Ill.: H.J. Ford.

Het betreft hier waarschijnlijk het standaardwerk Nouveau Dictionnaire d'histoire naturelle, waarvan de iets verderop in dit fragment genoemde Lamoureux een van de auteurs was.