Parijs - 19e eeuw Raoul de Najac (1856-1915)

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1856

Raoul de Najac geboren in - Pantomimespeler, auteur

1879

Contes à mon perroquet

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1880

Le nid de pinson: La légende des perroquets

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1882

Lettres d'oiseaux

Le Perroquet

 

Aimable Raoul, nous connaissons un garçon qui raffole des perroquets au point de les préférer à son prochain.

Quand il se promène, il se dirige machinalement vers le jardin d'Acclimatation, et s'arrête à la volière des perroquets.

Il ne cesse de relire le poème de Vert-Vert , les trente-cinq contes d'un perroquet traduits de l'arabe par Marie d'Heures; enfin tous les ouvrages qui traitent des perroquets.

Il est chauve. Des plaisants expliquent sa calvitie prématurée en affirmant qu'il s'est arraché les cheveux de désespoir pour n'avoir pu trouver un roman historique de l'allemand Varnhagen d'Ense, intitulé Les étoiles et les perroquets.

A force de mettre son nez dans les livres, il lui a pris l'envie d'en écrire. Son premier volume est dédié à un perroquet. Son second renferme un conte, dont les perroquets sont les héros. Nous tenons de bonne source que dans son troisième volume, auquel il travaille, les perroquets ne seront pas oubliés.

 

Il possède deux perroquets. L'un s'appelle Azur, l'autre Caquet. 

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1888

(Gezocht) Le perroquet, comédie en 1 acte

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1915, 22 mei Raoul de Najac overleden (oorlogsslachtoffer) in de omgeving van Pont-l'Abbé

1880

Le nid de pinson: La légende des perroquets

 

La légende des perroquets

 

I. Le Bonheur et le Phénix.

 

Les étoiles se dérobent derrière les nuages. La neige tombe. Le ciel en habit noir et la terre en robe blanche se regardent tristement: ils semblent revenir d'un bal, où ils n'ont cessé de bâiller.

Quel est donc ce petit homme, qui, malgré le froid, trottine dans les rues à cette heure avancée de la nuit?

Ses yeux sont vifs, ses joues pleines, ses lèvres épaisses. Vêtu de rose de la tête aux pieds, il secoue à chaque pas les flocons de neige qui s'amoncellent sur son dos.

S'il ne se hâte pas de rentrer au logis, il attrapera un rhume.

Hélas! pour rentrer au logis, il lui faudrait en avoir un. Il cherche un asile, et n'en trouve pas.

Le voilà qui s'arrête devant une porte. Il se baisse, ramasse sur le seuil deux plumes, pousse un soupir, et continue son chemin. L'une de ces plumes est rouge, l'autre est dorée.

« Le Phénix a passé par ici, se dit-il. On ne m'ouvrira pas. »

Il s'arrête devant une seconde porte, ramasse une seconde paire de plumes, pousse un second soupir, et continue son chemin.

Les portes, les paires de plumes, les soupirs se succèdent.

« Le Phénix a passé par ici, se dit toujours le petit homme. On ne m'ouvrira pas.»

Que l'humanité est sotte! Elle aime mieux recevoir son ennemi que son ami.

Nul ne m'accusera de calomnier l'humanité, quand j'aurai nommé le petit homme et démasqué le Phénix.

Le petit homme s'appelle le Bonheur. Ses poches sont pleines de gaieté, d'éclats de rire, de chansons et de baisers, qu'il offre, enveloppés dans des prospectus, à tous ceux qu'il rencontre. Sur ces prospectus sont imprimés de belles maximes, de sages préceptes, l'éloge de la vertu.

Le Phénix est un oiseau qui, par la taille et par les formes, s'approche fort de l'aigle. Comme ce dernier, il a de grandes serres toujours prêtes à saisir

une proie. Son plumage est rouge et doré. Ne croyez pas que le hasard a présidé au choix de ces couleurs. Le Phénix a des plumes rouges, parce qu'il est le symbole de l'ambition. Il a des plumes dorées, parce qu'il est aussi le symbole de l'intérêt. Il promet tan- tôt des honneurs, tantôt des richesses aux humains qui consentent a suivre ses perfides conseils. Les uns vendent leur pays, et deviennent des traîtres; les autres dépouillent leur prochain, et deviennent des voleurs.

Allant de porte en porte, puis de ville en ville, enfin de contrée en contrée, le Bonheur arrive au bord de la mer, sans avoir trouvé une maison dans laquelle il ait osé entrer. Il ôte ses souliers et ses bas, et se met à marcher sur l'onde salée.

Le Bonheur est si léger que ce phénomène s'explique aisément.

Il marche donc sur l'onde salée. Après une longue traversée, il atteint l'îîe de Psittacie.

 

II. L'île de Psittacie.

 

Située dans l'océan Indien, non loin du tropique du Capricorne, cette île est si petite que les géographes ont négligé de l'indiquer sur les mappemondes. Il se peut même qu'ils en ignorent l'existence.

Sa superficie est de cinq ou de six hectares, et jamais pied humain n'en a foulé le sol. Le Bonheur est le premier qui la visite; encore n'a-t-il de l'homme que l'aspect. Dieu le créa à notre image, pour nous prouver qu'il était bien des nôtres. Vous avez vu dans le chapitre précédent le cas que nous faisons de la créature de Dieu.

L'île de Psittacie est coupée en deux par une rivière, qui sépare un champ de maïs d'un bois de palmiers, de cafiers, de goyaviers et de cacaoyers. Entre ces arbres poussent des tamariniers, des bananiers et des jujubiers.

Le Bonheur aperçoit, perchés sur les branches, des perroquets et des perruches de toutes les espèces. Ce sont d'ailleurs les seuls êtres vivants que renferme l'île. À son approche, ils ne prennent pas la

fuite; au contraire, ils voltigent autour de lui, afin de l'examiner.

Les gros s'abattent à ses pieds; les moyens se posent sur ses épaules, les petits sur ses doigts.

Caressés les uns après les autres, ils cèdent la place à une nouvelle troupe, de sorte qu'en très peu de temps le Bonheur se lie avec tous les insulaires.

Cette cérémonie terminée, il tire de sa poche une serpette enchantée, qui peut fendre la pierre. Puis, au bord de la rivière, il se bâtit une cabane, qu'il couvre d'une coquette toiture en paille de maïs.

Cette cabane a une porte et une fenêtre. La porte ne se ferme qu'au loquet. La fenêtre manque de vitres. Mais les voleurs et le froid ne sont pas à craindre dans l'île de Psittacie.

Le Bonheur se réjouit d'avoir trouvé un endroit si paisible et des compagnons si bienveillants. Comme il ne connaît pas l'oisiveté, il se met à cultiver la terre.

Avant son arrivée les perroquets mangeaient le maïs, lorsque les gousses jaunissaient. Les grains, qui tombaient sur le sol, produisaient la récolte suivante. Par conséquent, il se perdait beaucoup de terre et beaucoup de grains.

Le Bonheur cueille le maïs, dès qu'il est mûr. Il en fait deux parts: l'une destinée aux provisions, l'autre aux semailles.

Chaque jour, il verse dans de larges coquilles une portion de la première part, que les oiseaux viennent manger.

Avec un morceau de bois très dur, il construit une charrue. Il laboure le champ, et l'ensemence. Il trace des allées dans le bois, taille les branches mortes, arrache les lianes qui étouffent les jeunes pousses; et, grâce à ses soins, les récoltes sont abondantes, les arbres plient sous le poids des fruits.

Les perroquets se voient désormais à l'abri de la disette. Ils comprennent que le Bonheur est avec eux.

Moins sots que les hommes, ils s'efforcent de lui témoigner leur reconnaissance.

Pour qu'il ne s'ennuie pas dans leur île, et qu'il ne songe jamais à là quitter, ils lui offrent autant de distractions qu'ils peuvent. Tous les jours, ce sont des courses dans les airs, des parties de cligne-musette dans les arbres, des carrousels, où les bagues qu'il faut enlever et les têtes de Turc qu'il faut renverser sont remplacées par des bananes et des noix de coco.

Le Bonheur ne regrette pas les hommes. Il convient qu'il n'est sur terre d'êtres plus aimables que les perroquets.

 

III. L'alarme.

 

Un matin, le Bonheur, en prenant son bain, aperçoit un point noir à l'horizon.

O perroquets, maudissez ce point noir, qui sera cause de toutes vos infortunes! Vous n'avez pas échappé au regard perçant du Phénix.

Les ailes déployées, cette abominable bête se dirige vers la Psittacie.

Elle est jalouse de celui qui a élu domicile dans votre îlot, et l'en veut déloger au plus vite.

Dès qu'il a reconnu son ennemi, le Bonheur sort de l'eau, s'habille à la hâte, et rassemble les perroquets. S'exprimant dans leur langue naturelle, il leur dit:

« Gardez-vous, mes amis, d'écouter l'oiseau qui va s'abattre au milieu de vous. Il chantera lés honneurs et les richesses. Il blâmera vos coutumes rustiques, vos moeurs simples, votre vie tranquille. Si vous ne vous bouchez pas les oreilles, il jettera le trouble dans vos esprits, naïfs; et, sous la chaleur de son éloquence, toutes vos vertus se fondront comme du beurre dans une poêle. Alors vous perdrez le Bonheur, qui ne saurait demeurer avec les méchants.

— Nous t'aimons trop, répondent les perroquets, pour ne pas repousser cet oiseau. S'il s'arrête dans l'île, nous le plumerons proprement. »

Un peu rassuré, le Bonheur rentre chez lui, tandis que ses amis se préparent à livrer bataille au Phénix.

Les cacatois dressent leur huppe blanche, jaune ou rose avec des allures de conquérants. C'est l'état-major.

Les aras bleus, verts ou rouges, aiguisent leur formidable bec contre les cailloux. C'est la grosse cavalerie.

Les perruches se cachent dans le feuillage, comptant tomber à l'improviste sur l'ennemi. C'est la cavalerie légère.

Les inséparables parcourent l'île dans tous les sens, et appellent aux armes les retardataires. Ce sont les estafettes.

Les perroquets verts et les perroquets gris, que le commun des mortels désigne sous le nom d'amazones et de jacquots, forment un bataillon carré. C'est l'infanterie.

Les loris, dont les membres sont délicats, mais qui en revanche, ont des voix à enrichir un directeur d'Opéra, se réunissent sur une branche, et se mettent à siffler des airs guerriers. C'est la musique du régiment.

Chacun, selon ses moyens, se dispose à tenir la promesse qu'il a faite au Bonheur.

Pendant ce temps, le Phénix s'est approché. L'armée distingue bientôt son beau plumage, où l'or et le rouge se marient agréablement.

Soudain, le même cri sort de mille gosiers, et parvient jusqu'au Bonheur, qui tressaille; car c'est un cri d'admiration et non un cri de victoire.

Le Phénix a produit sur les perroquets son effet habituel.

Les aras cessent d'aiguiser leur bec.

Les perruches sortent du feuillage.

Les inséparables perdent l'usage de leurs ailes.

Le bataillon carré des amazones et des jacquots se déforme.

Les loris se taisent.

Seuls, les cacatois conservent leur maintien belliqueux, par la bonne raison que chez eux la huppe dressée exprime la satisfaction comme le mécontentement.

 

Le Phénix descend à terre; et les perroquets, le sourire au bec, lui font une humble révérence. Puis, voulant regarder de plus près cet oiseau superbe, ils se poussent, se bousculent, se renversent et s'écrasent.

Les uns ont la queue arrachée, les autres un oeil poché. Le nombre des entorses est incalculable.

Dès que le calme est rétabli, le Phénix prononce le discours suivant:

« Mesdames et Messieurs, point ne suis-je de ces vulgaires charlatans, qui vendent d'affreuses drogues; aux badauds assez crédules pour ajouter foi à leur boniment. Je viens à vous sans tambour ni trompette. Je ne suis pas accompagné d'un singe, dont les grimaces attirent la foule. Je ne me fais pas suivre d'un orgue de Barbarie, dont les accords enchanteurs éveillent l'attention des passants. Piètres moyens de séduction, les singes et les orgues sont indignes de la lâche que je me suis imposée. Vous croyez peut-être que je vais vous offrir du savon à dégraisser les bardes, de la poudre à nettoyer l'argenterie, des crayons en mine de plomb. Vous croyez peut-être que je me pro- pose d'extirper vos dents gâtées. Si telles étaient mes intentions, vous auriez le droit de me traiter d'imbécile; car il est évident que vos bardes n'ont pas besoin d'être dégraissées, ni votre argenterie d'être nettoyée, ni vos dents d'être extirpées. Quant aux crayons, vous en ignorez l'usage. Ah! Mesdames et Messieurs, j'ai mis la griffe sur votre plaie. Vous ignorez non seulement l'usage des crayons, mais en outre tous les bienfaits de la civilisation. Grands et petits, vous végétez dans une ignorance crasse. Cependant il existe des individus, dont la vie s'écoule au milieu des fêtes et des plaisirs, du luxe et de la joie, de la gloire et de l'opulence. Je fus leur professeur. C'est à votre tour maintenant d'être mes élèves. »

Bien qu'ils ne saisissent pas toutes les subtilités de ce discours, les perroquets y répondent par des battements d'ailes frénétiques. Le plumage de l'orateur les éblouit, son regard les fascine, sa voix les étourdit: ils ne sont plus maîtres de leurs facultés intellectuelles.

 

IV La métamorphose.

 

Après avoir repris haleine, le Phénix fait un tableau séduisant de la vie humaine.

De la description d'une table chargée de mets savoureux il passe à celle d'un lit, où les membres fatigués trouvent un repos salutaire.

Il ne parle pas de la croûte de pain dont le pauvre est obligé de se contenter, ni des pierres qui servent d'oreiller aux gens qui couchent à la belle étoile.

Il affirme que les rues sont pavées de lingots d'or, et que les conseils municipaux se chargent de les repaver, dès qu'elles sont dépavées. Il affirme que les honneurs voltigent autour de nous comme les papillons autour des fleurs, et qu'ils viennent d'eux-mêmes se poser sur nos boutonnières.

Il ne parle pas des pères qui se tuent pour ne pas entendre leurs enfants crier la faim, ni des ambitieux qu'une jaunisse emporte, parce que leurs confrères sont décorés avant eux.

La vie humaine a deux faces: l'une qui rit, l'autre qui pleure. Le Phénix ne montre que la première.

Les perroquets le supplient de les métamorphoser en hommes.

Le Phénix y consent. Il a lu le Grimoire, et sait des paroles magiques dont la vertu est de modifier, à la volonté de celui qui les prononce, la forme de celui qui les écoute.

Sous l'influence de ces paroles magiques, les perroquets grandissent.

Leurs plumes tombent. Leur tête se couvre de cheveux. Leurs ailes deviennent des bras, leurs ailerons des mains, et leurs pattes des pieds. Leur bec se divise en trois parties qui se changent, la supérieureen nez, la médiane en bouche, l'inférieure en menton. Ils parlent.

Ce sont maintenant des hommes.

Les personnes méticuleuses pourraient leur reprocher quelques défectuosités. Leurs cheveux conservent encore la raideur des plumes.

Leur taille est épaisse et leur démarche lourde.

Leurs bras et leurs jambes sont trop courts. Ils ont le menton en galoche et le nez de Polichinelle. Il leur manque un doigt de pied; et leur voix de fausset leur interdit les sons graves.

Néanmoins, ce sont des hommes.

Ainsi métamorphosés, ils ne se reconnaissent plus, et sont contraints de se nommer à voix haute.

« Je suis, dit l'un, le cacatois nasique, qui se promène tous les matins au bord de la rivière.

— Moi, dit l'autre, je suis la perruche à collier rose, qui par maladresse a fait une omelette de sa dernière couvée. »

Peu à peu l'on finit par se retrouver. Le mari rejoint sa femme. Les enfants rejoignent leurs parents. Quant aux célibataires, ils s'amusent à donner de faux renseignements, afin que la confusion se prolonge.

Naturellement le Phénix a été oublié.

Lorsqu'on songe à lui, il a disparu. Toutes les recherches sont vaines.

On va chercher le Bonheur, avec l'intention de lui demander si, par hasard, il n'a pas vu le Phénix. Mais le Bonheur semble dormir profondément, et l'on n'ose pas le réveiller.

« Son sommeil, se dit-on, est la preuve évidente qu'il n'a pas vu le Phénix. »

Quand il est seul, le Bonheur ouvre les paupières, se lève, se frotte les mains d'un air satisfait, et jette un coup d'oeil furlif sous une botte de paille, qui recouvre un corps inanimé.

Ce corps inanimé est celui du Phénix.

Le Bonheur a pensé que le laisser vivre serait la perte certaine de ses amis. Faisant violence à son doux caractère et profitant du trouble qui régnait dans l'île, il s'est emparé du plus méchant des oiseaux, et l'a étranglé sans pitié.

Hélas ! la mort dé l'auteur du mal n'empêche pas son oeuvre d'avoir une suite: tuer le serpent qui vous a mordu n'est pas un moyen d'arrêter le venin qui coule dans vos veines.

D'abord, les insulaires décrètent que leur nom primitif est incompatible avec leur nouvelle forme. Comme ils habitent la Psittacie, désormais ils s'appelleront Psittaciens.

Puis, il leur faut entrer en relations avec leurs semblables et ne pas imiter les ours, qui sont des êtres peu sociables. Ils construisent trois radeaux. Sur chacun de ces radeaux doit monter une ambassade composée de cinq membres, que le sort choisira. En outre, on chargera les radeaux de provisions de bouche.

Quand tout est prêt pour le départ, les Psiltaciens souhaitent bonne traversée et prompt retour aux voyageurs, qui s'embarquent, et que les courants entraînent dans des directions différentes.

 

V Le retour des ambassades.

 

Une année s'écoule, et l'on attend toujours les absents.

Le Bonheur croit déjà qu'ils ont oublié leurs compatriotes; il n'en est pas fâché.

Bientôt à sa joie succède la tristesse: deux bateaux ont été signalés.

Ces bateaux, qui ramènent chacun une ambassade, sont un yacht et une jonque.

Le yacht a quitté l'Angleterre avec un chargement de bêches, de pioches, de fourchettes, de couteaux, de pence, de schellings, de tonnes de bière, de bestiaux et de volailles.

La jonque a quitté la Chine avec un chargement de cimeterres, de brouettes à voiles, de pals, de moulins à prière, de petits bâtons pour manger, de sapèques, de taëls (!), de grains d'opium et de chiens comestibles.

Une moitié des Psittaciens entoure l'ambassade qui revient d'Angleterre.

De questions en questions cette moitié apprend que l'on doit être gouverné par un roi ou par une reine; que l'homme qui rend un service éclatant à l'État est anobli ainsi que tous ses descendants; que la politesse exige que l'on se découvre la tête en présence d'un supérieur; que la droite est la place d'honneur; que les livres se lisent en commençant par la gauche; que les points cardinaux sont au nombre de quatre; que l'aiguille aimantée indique le pôle nord; que dans les écoles les enfants sont forcés d'étudier leurs leçons à voix basse et de les réciter chacun à son tour; que l'on traite de paresseux celui qui lait du tapage; que l'on mange la soupe au début du repas et les fruits à la fin ; que le noir est la couleur de deuil ; que le plus beau jour de la vie est le jour du mariage.

Pendant ce temps, la seconde moitié des Psittaciens entoure l'ambassade qui revient de Chine.

De questions en questions cette moitié apprend que l'on doit être gouverné par un empereur; que l'homme qui rend un service éclatant à l'Etat est anobli ainsi que tous ses ancêtres; que la politesse exige que l'on ait la tête couverte en présence d'un supérieur; que la gauche est la place d'honneur; que les livres se lisent en commençant par la droite; que les points cardinaux sont au nombre de cinq; que l'aiguille aimantée indique le pôle sud; que dans les écoles les enfants sont forcés d'étudier leurs leçons à voix haute et de les réciter tous ensemble; que l'on traite de paresseux celui qui garde le silence; que l'on mange les fruits au début du repas et la soupe à la fin, que le blanc est la couleur de deuil; que le plus beau jour de la vie en est le dernier.

Comme il était aisé de le prévoir, la discorde ne tarde pas à s'implanter dans l'île.

Les Psittaciens imbus des usages anglais veulent un roi ou une reine. Afin de démontrer que la royauté est la meilleure forme de gouvernement, ils fondent un journal, que les Psittaciens imbus des usages chinois ne comprennent pas, parce qu'ils le lisent en commençant par la droite.

Ceux-ci veulent un empereur. Afin de démontrer que l'empire est la meilleure forme de gouvernement, ils fondent un journal, que les Psittaciens imbus des usages anglais ne comprennent pas, parce qu'ils le lisent en commençant par la gauche.

Les professeurs, qui exigent le silence dans leur classe n'ont que des élèves bruyants; les professeurs, qui exigent le bruit n'ont que des élèves silencieux.

Au sujet du nombre des points cardinaux on se provoque en duel.

On se gifle à propos de l'aiguille aimantée.

Des aubergistes s'établissent.

Les Psittaciens qui ont adopté là cuisine chinoise brûlent les auberges où l'on mange des beefsteaks. du roastbeef, des oies rôties, des pommes de terre bouillies, des pickles, du plumpudding, et où l'on boit de la bière.

Les Psittaciens qui ont adopté la cuisine anglaise brûlent les auberges où l'on mange du fromage de Mongolie, des fricassées de racine de ging-seng, des gelées de nids d'hirondelle à l'essence de citron, des nageoires de requin bouillies, et où l'on fume de l'opium.

Dans le bois, les partisans de la droite comme place d'honneur assassinent les partisans de la gauche.

Dans le champ, il se livre une bataille rangée, pour savoir si la mort est un événement plus heureux que le mariage.

Le feu dévore les arbres. Le sang rougit la rivière.

Tout à coup l'on aperçoit une gondole.

Cette gondole amène la troisième ambassade, qui revient de Venise.

Les Psittaciens se rassemblent sur le rivage.

Tous pleurent des parents victimes delà guerre civile. En signe de deuil les uns sont vêtus de noir, les autres de blanc.

Aussitôt débarquée, l'ambassade leur demande pourquoi ils portent ces couleurs.

L'ambassade leur demande pourquoi ils portent ces couleurs.

« Les impériaux ont tué mon neveu, répond un noir.

— Les royalistes ont tué mon oncle, répond un blanc.

— Alors, dit l'ambassade, vous devez endosser des habits rouges.

A Venise le rouge est la couleur de deuil. Mais ne songez plus à vous faire gouverner par un empereur ou par un roi: la meilleure forme de gouvernement est la République. »

Et voilà dans l'île de Psittacie un nouveau parti, qui jette sa goutte d'huile sur l'incendie général.

 

VI Le Bonheur perdu.

 

On se lasse de tout, même de se tuer les uns les autres.

Un jour, un Psittacien, jadis amazone à bandeau bleu, déclare qu'il se trouvait bien plus heureux, lorsqu'il était perroquet. Chacun de commenter ses paroles, et de convenir à la fin qu'il a raison.

Peu à peu les insulaires entrent dans la voie des accommodements. Leur folie se dissipe. Ils pensent au Bonheur, qu'ils ont complètement négligé depuis leur métamorphose.

Ils vont frapper à la porte de leur ami; ils ne reçoivent pas de réponse.

L'un d'eux soulève le loquet, et franchit le seuil de la cabane.

Elle est vide.

Il ramasse par terre un petit papier. Revenant auprès de ses compatriotes, il leur lit la lettre suivante, écrite en langue de perroquet:

Mes pauvres compagnons, j'espérais que vous vous garderiez d'imiter ceux qui ni ont chassé de leurs foyers. Mon espérance a été déçue. Non contents d'être hommes par le corps, vous avez voulu être hommes par le coeur. Aujourd'hui, la ressemblance est complète, puisquevous perdez le Bonheur, dont cette lettre renferme le dernier adieu.

Les Psittaciens versent d'abondantes larmes, et poussent des cris déchirants.

Ils pénètrent dans la cabane, humbles et silencieux, comme on pénètre dans un saint lieu.

En déplaçant la botte de paille, ils aperçoivent le Phénix. Par un phénomène extraordinaire, il ne s'est pas décomposé: on le croirait empaillé.

« Brûlons-le, s'écrient les Psittaciens dans un accès de fureur, et jetons ses cendres au vent! »

On dresse un bûcher, sur lequel on pose le Phénix, et qu'on allume.

A peine le cadavre est-il consumé, qu'au milieu des flammes paraît un gros oeuf.

Cet oeuf se brise. Il en sort le Phénix plein de vie, qui regarde d'un air moqueur l'assistance stupéfaite. Mais deux des plus intrépides Psittaciens se précipitent sur le bûcher, et s'emparent de l'oiseau ressus cité. Je vous laisse à penser la mine penaude que prend le Phénix.

« De grâce, lâchez-moi! dit-il d'une voix suppliante.

— A mort! s'écrie la foule.

— Me tuer vous est inutile, réplique le prisonnier qui mesure tout le danger de sa position. Je suis puissant. Que voulez-vous en échange de ma liberté? »

Les Psittaciens réfléchissent. Après délibération, ils demandent au Phénix de leur rendre leur forme primitive. Il y consent.

L'ex-amazone à bandeau bleu, qui a donné le signal de la paix, s'approche de lui.

« Rends-nous notre forme primitive, lui dit-il; mais ne nous enlève pas la faculté de parler. Nous avons perdu le Bonheur. Nous allons nous mettre à sa recherche. Si l'usage de la parole nous était interdit, nous ne pourrions nous renseigner sur la route qu'il a suivie. »

Le Phénix s'incline devant la volonté de l'ex-amazone, afin d'avoir la vie sauve.

Il récite un paragraphe du Grimoire, et les Psittaciens rapetissent aussitôt. Leur corps se couvre de plumes. Leurs bras deviennent des ailes, leurs mains des ailerons, et leurs pieds des pattes. Leur nez, leur bouche et leur menton se réunissent pour former un bec.

Ce sont maintenant des perroquets.

La métamorphose accomplie, le Phénix prend son essor et se perd dans les nues.

 

« Mes amis, s'écrie l'amazone plus fier de son bandeau bleu qu'un prince de son diadème, parcourons la surface du globe dans tous les sens. Il nous faut retrouver le Bonheur. »

Voilà pourquoi les perroquets parlent.

Pauvres oiseaux, vous ne le retrouverez pas, votre Bonheur perdu; car nous autres hommes, au lieu de faciliter vos recherches, nous les entravons autant qu'il nous est possible de le faire.

Najac in de rol van Le Roi des Pierrots, een pantomime in drie bedrijven; met (bovenste foto) Wague in de rol van Anarchist, Chr. Mendelys als La Gardeuse d'Oie , Raoul de Najac al Koning Pierrot, A. Bodin als Le Chambellan, en Th. Tugot als La Dame de la Cour in Peau D'Ane. Verdere gegevens nog niet bekend.