Parijs - 19e eeuw Armand Silvestre Bibliothèque perroquettique Silvestre # 02

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1882

Petite histoire naturelle

 

Over de prettige relatie van een jongedame met een begaafde papegaai, ruw verstoord door haar huwelijk met een eersteklas koekenbakker. Hoe de jongedame voorkomt dat haar geliefde vogel gedood en opgezet zal worden, en de koekenbakker niet kan voorkomen dat zijn vrouw een echte minnaar neemt. En hoe die minnaar een papegaai werd, zonder het te weten...  

Le Perroquet sans le savoir

C'était un délicieux Jaco de moyenne taille, avec un beau plumage luisant d'un gris perle cendré, une bordure rose aux ailes et une longue queue écarlate; sa petite langue épaisse et noire était si bien accrochée dans son petit bec noisette qu'il en tirait tous les sons imaginables, depuis le bruit cristallin des verres qu'on choque jusqu'au roulement sourd du canon lointain. Mais son triomphe dans ce genre d'imitations c'était l'éternuement bruyant, légendaire dans la marine, sonore et aspersif à la fois de l'amiral Le Kelpudubec. Quand celui-ci l'avait rapporté des côtes de Guinée pour Mlle Céleste de Bidet- Bayard, fille de son vieil ami le receveur général, vicomte de Bidet-Bayard, durant sa longue traversée, l'oiseau avait attrapé merveilleusement l'inflexion de ces tonnerres mouillés par lesquels s'affirmait le coryza perpétuel du vieux marin, et c'était merveille de l'entendre en répercuter les échos, tandis que le cercle d'or de ses petits yeux clairs s'agrandissait et se diminuait comme si un éclair les eût traversés. Matelots et passagers s'amusaient infiniment de cela, et aussi l'amiral lui-même qui était un assez méchant animal, mais ne manquait pas d'une certaine gaieté indulgente à l'occasion.

Dire la joie de Mlle Céleste quand elle vit arriver cet éloquent perroquet dans une façon de sabot de bois où il s'ennuyait comme un confesseur sans ouailles, c'est ce dont je ne me charge pas. Bien vite, elle fit passer le prisonnier dans un magnifique cachot aux barreaux dorés et commença de lui offrir les mets les plus variés que l'intelligente bête aimait surtout à déguster sur les lèvres fraîches et roses de sa nouvelle maîtresse, en quoi je le trouve bien plus malin que pour tout ce qu'il pouvait dire. Ce fut une adoration réciproque du volatile reconnaissant pour sa bienfaitrice et de la jeune fille pour son joli compagnon dont les propos incohérents étaient encore moins stupides que la conversation de son noble père. Mais c'est surtout quand Raoul (c'est le nom qu'on lui avait donné en souvenir des Hugenots qu'il sifflotait volontiers), éternuait à la façon de l'amiral que Mlle de Bidet- Bayard, enthousiasmée, prenait l'oiseau dans sa main caressante et couvrait de baisers fous son petit dos aux reflets d'ardoise!

On la maria. Le cousin qu'elle épousa était un parfait imbécile. Je ne vous décrirai pas le vidame Gontran des Mouillettes. Vous connaissez comme moi ce faux sportsman impertinent, ignorant, tranchant. Comment Céleste accepta-t-elle de mêler sa vie à celle de ce jocrisse? Peut-être parce qu'elle ignorait que ce jocrisse fût jaloux. Oui, mes bons hommes et mes bonnes femmes, ce saugrenu personnage avait la prétention d'être seul aimé d'une ravissante fille de vingt ans dont la changeante chevelure et les yeux menteurs eussent fait le génie et le bonheur de vingt poètes lyriques! Outrecuidant paillasse! Je ne sais pas ce qui me retient de camper là cette histoire et d'en commencer une autre, pour n'avoir pas à parler de ton sot individu! Mais non, comme tu y joues un rôle ridicule, je t'achèverai pour ta confusion, Othello de Carpentras!

Donc ce M. des Mouillettes était jaloux, et jaloux de quoi, bon Dieu? Sa jeune femme était pure comme une moisson de lys, comme l'œil d'une source, comme un ciel de mai. C'est un ange que M. le Maire, trop myope pour en apercevoir les blanches ailes, avait accouplé, par distraction, à ce centaure dégénéré. Oui, jaloux de quoi, grand godiche? C'est à crever de rire. Jaloux de Raoul le Jaco! Il prit tout d'abord l'innocent perroquet en grippe pour les caresses dont Céleste l'accablait. Et quelle grippe, mes enfants du bon Dieu! La pauvre bête ne pouvait parler, siffler, chanter, imiter le trinquement des buveurs ou les pétarades des canonniers, que ce grotesque n'entrât dans de véritables attaques de nerfs. Mais c'est surtout quand Raoul éternuait comme l'amiral, que le vidame Gontran devenait positivement épileptique de fureur.

- Je vais passer huit jours à la chasse, dit-il à Céleste et si, à mon retour, je ne trouve ce maudit oiseau empaillé, je le fais cuire et vous force à en manger le cœur.

M. le vidame connaissait ses classiques et la sombre légende de Françoise de Châteaubriand.

Céleste, qui ne pouvait plus longtemps soutenir la lutte, eut une idée aimable comme tout. Elle fit venir de Paris un perroquet tout empaillé de la même race que le sien, et, montant la cage de Raoul dans un grenier où son mari ne mettait jamais les pieds, elle continua d'aller faire sa furtive visite à son favori, et de passer, dans son spirituel entretien, les heures de solitude que lui donnaient les goûts cynégétiques de M. Des Mouillettes.

Ce damné vidame eut l'infamie de faire encore des grimaces à son ennemi rempli de foin. O chevaleresques instincts des preux, qu'êtes-vous devenus!

Qui dit: jaloux, dit: cocu surnuméraire. M. des Mouillettes ne devait pas échapper à la loi commune. Céleste vit mon ami Jacques et l'aima. Il n'en fallut pas davantage à Juliette pour adorer Roméo. L'histoire des amants surpris par tes époux est aussi de tous les temps. Pendant que le vidame faisait aux cerfs une guerre bien déplacée de sa part (cet homme n'avait même pas d'amour-propre), nos deux larrons d'honneur conjugal, lui, le séducteur heureux, et elle, l'épouse infidèle, flirtaient à la française; je veux dire passaient de belles heures dans un lit douillet, pratiquant cent mignardises, suivant le doux propos du vieux poète Ronsard. Or, une fois qu'ils célébraient ainsi leur amoureux office, il advint que le vidame, ayant tué par maladresse un de ses chiens, ce dont il pleurait comme un veau, rentra plus tôt qu'il n'était attendu et si inopinément que le pauvre Jacques eut juste le temps de se sauver dans le cabinet de toilette de sa belle, emportant ses frusques sous son bras comme un incendié. Il faisait sombre dans ce réduit; mais, ayant tâté les bords glissants d'une baignoire, Jacques jugea que c'était un asile que lui offrait la Providence. Je vous demande un peu si la Providence se mêle de ces choses-là... et même du reste! Donc il se faufila dans la longue baignoire de zinc, et ce fut seulement un instant après qu'il s'aperçut qu'elle était pleine d'eau, sa bien-aimée ayant pris un bain quelques heures auparavant.

Il réfléchit rapidement qu'en sortir était une imprudence extrême. Le clapotement de l'eau, la chute des gouttes sur le parquet, tout pouvait le trahir. Il se résigna à occuper cette retraite hydrothérapique jusqu'au moment où Céleste, trop rusée pour se laisser prendre, viendrait certainement le délivrer.

Il avait compté, le malheureux, sans le refroidissement graduel de l'eau qui finit par être bientôt à une température intolérable. Car on était en novembre, à ne vous rien cacher. Un rhume terrible lui monta au cerveau. Une première fois, il en étouffa, avec ses mains crispées sur sa bouche, le retentissemént. Mais le coryza subit a des impétuosités auxquelles nul héroïsme ne résiste. Il lança donc vers le plafond cinq ou six ternuements formidables dont le bruit ne s'arrêta pas à la porte de sa prison.

– Qu'est ceci, madame? Il y a un homme qui est dans votre cabinet de toilette!

Ainsi clama le vidame sur un ton furieux. Céleste était plus morte que vive; mais se remettant bien vite de sa terreur:

– Eh quoi mon ami, fit-elle, n'avez-vous pas reconnu sa voix?

– Je vais aller le tuer le misérable et vous tuerai après! continua le mari en se dirigeant vers la porte du cabinet.

Mais elle, s'élançant devant lui et tirant le verrou:

– Grâce! dit-elle, grâce!

– Vous osez implorer pour lui, misérable!

– Hélas oui, mon ami; je suis bien coupable! Je vous avais dit qu'il était mort et que je l'avais fait empailler. Mais c'est un faux Raoul...

M. des Mouillettes s'arrêta. Il y a des situations dont le ridicule saute même aux yeux d'un crétin. Celui d'entrer un révolver à la main et vêtu d'un caleçon dans une pièce où il n'y a qu'un perroquet éblouirait une buse elle-même. Gontran le sentit. Et puis, au fond, cet âne bâté aimait sa femme, et ce lui fut, après le terrible soupçon qu'il avait eu, comme une pluie bienfaisante sur le cœur d'apprendre qu'un oiseau seul était son rival.

Il se mit à sourire bêtement mais bonnement de son erréur.

-- Laisse-moi l'aller voir, fit-il à Céleste, je te jure que je ne lui ferai aucun mal.

-- Si! Si! Vous le détestez, méchant!

- Je te promets que non, maintenant.

-- Si! Si! Vous ne seriez pas maître de vous. Je vous l'avais bien caché, hein! jusqu'ici? je l'avais descendu ce soir, un instant, pour me distraire, ne vous attendant pas. Je n'ai eu que le temps de le porter dans mon cabinet en vous entendant. Oh! le vilain homme qui peut croire!...

– Je te demande pardon, miracle de fidélité.

– Non je ne vous pardonne pas, ou plutôt je veux bien vous pardonner, mais à une condition.

– Laquelle?

– C'est que vous ferez une pénitence.

– Accordé, ce sera...?

– De ne pas entrer dans mon cabinet.

Et ce fut ainsi que, le lendemain matin, M. le vidame étant reparti pour la chasse, tout joyeux, Jacques put enfin sortir, sain et sauf, de sa cachette. Raoul ne remonta plus dans son grenier.

M. des Mouillettes l'a pris en affection. C'est à qui, de Jacques et de lui, donnera le plus de sucre à cet utile oiseau. Vous verrez qu'ils le feront crever. C'est très mauvais, le sucre, pour les perroquets; ça leur donne le diabète.