Parijs - 19e eeuw Armand Silvestre Bibliothèque perroquettique Silvestre # 03

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1882

Petite histoire naturelle

 

Hoe een zeeman in de veronderstelling verkeert dat zijn echtgenote hem trouw zal blijven als hij langer dan twee maanden van huis is. En waarom hij abusievelijk van mening is dat zijn papegaai hem waardig kan vervangen tijdens zijn afwezigheid. Waarna zal blijken dat de onderhorige papegaai niets kwalijk genomen kan worden, omdat het hard regende toen de zeeman op zekere avond onverwacht thuiskwam...  

Paroles d'amour

C'est des côtes de Guinée que notre vieil ennemi l'amiral Le Kelpudubec avait rapporté à la charmante Éloa de Saint-Minot le bel oiseau qui sera le héros de cette aventure. Car, pareil en cela à presque tous les marins, ce busard de navigateur entretenait une maîtresse sur le continent. Il avait même la naïveté d'en être prodigieusement jaloux. L'idée de n'être pas trompé par une femme qu'on surveille constamment ne peut déjà germer que dans la cervelle d'un présomptueux. Mais l'idée qu'une femme qu'on quitte sans cesse vous soit fidèle est d'une saugrenuité qui défie l'imagination. En lui offrant le superbe kakatoès mentionné ci dessus, le galant loup de mer avait eu l'innocence de dire à sa bien-aimée « Il me remplacera près de toi pendant les heures cruelles de l'absence. Il parle si bien! »

Et, de fait, ce volatile avait une facilité oratoire qui lui eût assuré parmi les humains une place importante dans la politique. D'autant qu'il était d'une prodigieuse versatilité dans ses propos, comme vous le verrez tout à l'heure. Il apprenait vite et oubliait plus vite encore. Un vrai tempérament de ministre. Cette bête de plume eût également fait un excellent journaliste. Mais Dieu, qui ne veut pas nous accabler, en avait fait tout simplement un kakatoès.

- Euryale, je t'adore!

Quand vous vous serez rappelé qu'Euryale était le petit nom de l'amiral, vous comprendrez avec quelles délices M. Le Kelpudubec écoutait cet aphorisme constamment répété par le perroquet de Mlle Éloa à qui sa maîtresse l'avait enseigné.

- Je crois t'entendre toi-même, ma petite adorée disait l'enthousiaste marin, sentant monter à ses yeux des larmes d'attendrissement.

Ah! ce fut un doux séjour qu'il fit en France, cette année là, un écho vivant redisant sans cesse, à son oreille, les paroles d'amour que lui prodiguait sa bonne amie. Il avait ainsi à demi réalisé ce rêve d'une double maîtresse qui sera éternellement celui des gens d'imagination, tout en effrayant les économes. Mais le temps passe toujours vite d'être heureux! Le ministère de la marine se moque pas mal du bonheur de ses officiers. Un bureaucrate sans cœur signa, entre deux cigarettes, l'arrêt d'exil du pauvre Le Kelpudubec, l'envoyant dans les mers du sud. Les adieux furent positivement déchirants.

- Euryale, je t'adore! dit à travers ses sanglots la belle Éloa, pendue au col de son protecteur dans une étreinte suprême.

– Euryale, je t'adore répéta le kakatoès avec un petit ricanement sardonique.

Le ton du perroquet était, de beaucoup, le plus sincère.

Un mois après, tout au plus, mon ami Jacques avait consolé la veuve du navigateur. Mlle Éloa de Saint-Minot était donc une de ces robustes personnes aux rebordissants appas dont la plantureuse beauté soumet tout d'abord ceux qui partagent les goûts turcs de mon ami Jacques?

Point. L'éclectisme était venu avec la sagesse dans cet esprit où la fantaisie avait, au fond, plus de part que la méthode. De taille moyenne et plutôt élégante que majestueuse, Mlle de Saint-Minot avait pour elle une physionomie charmante, des yeux admirablement expressifs, une bouche attirante, de jolis cheveux, des mains fines et éburnéennes, les grâces nonchalantes d'une madone pervertie plutôt que les attraits puissants d'une Vénus Victrix. En voilà, n'est-ce pas, plus qu'il n'en faut pour expliquer le caprice de Jacques à l'endroit de cette séduisante créature. En homme qui pique résolument sa tête dans les abîmes insondables de l'amour, il s'était jeté à corps perdu dans cette aventure nouvelle.

- Bonjour, mon beau Jacques!

Tel devint le thème invariable des conversations du kakatoès de Mlle Éloa qui avait l'occasion de redire constamment cette phrase, grâce aux visites continuelles de son amoureux.

Mais la vie des femmes comme Mlle de Saint-Minot est positivement constellée de lunes de miel pareilles à celle qui éclaira le rapide bonheur de Jacques. L'amour qui, dans les âmes fidèles, est comme un astre dont l'égale clarté resplendit toujours dans le même coin du ciel, est à l'état de voie lactée et de confuse lumière dans les âmes de nos chères pécheresses, de nos volages amantes. Jacques disparut bientôt de l'existence affolée de cette fille charmante mais prodigieusement indécise dans ses goûts. Il n'en est qu'un de ces chagrins passagers que la première bouffée de printemps emporte avec le dernier flocon de neige.

Mais, plus fidèle que sa maîtresse, le perroquet continua à redire à tort et à travers ces mots qui semblaient lui chatouiller la langue d'une façon particulièrement agréable:

– Bonjour, mon beau Jacques!

Ce que fit Mlle Éloa afin de les lui faire oublier, demanderait un volume pour être raconté. Elle essaya tour à tour, suivant l'inepte usage de tous les maîtres, des châtiments et des récompenses. Chaque fois que l'oiseau avait tenu le propos incriminé, elle lui administrait, du bout de son doigt rose, une pichenette sur le bec. Était-il resté, au contraire, quelque temps sans le tenir, elle lui offrait gracieusement du sucre. Or, il arriva qu'au bout d'un certain temps ce prudent animal, qui avait peur du diabète, se dégoûta des bonbons, tandis qu'une petite démangeaison pituitale, qu'il avait dans les narines, lui rendit les chiquenaudes tout à fait agréables. C'est alors que personne ne put plus entrer dans le boudoir de Mlle Éloa, sans être salué par un gracieux et formidable à la fois:

- Bonjour, mon beau Jacques!

Arthur, Amédée, Gontran, Jules, Armand, Gustave, Emmanuel, Henri, Octave, Philippe, Alphonse, reçurent successivement ce gracieux compliment. Ceux-ci en rirent et ceux-là s'en fâchèrent. Mais Mlle de Saint-Minot ne décoléra pas contre le malencontreux kakatoès. S'en débarrasser était impossible. L'amiral avait annoncé son retour et si Euryale n'avait pas retrouvé son oiseau! Vraiment, les pauvres femmes sont souvent bien à plaindre! M. Louis Tiercelin l'a répété après Alfred de Musset: les dames du monde ne se doutent guère des ennuis qu'ont les cocottes, sans quoi elles passeraient certainement leur vie à les consoler, au lieu de charger simplement leurs maris de ce soin.

Une dépêche du matin avait signalé l'entrée en rade de Le Kelpudubec. II pouvait sonner d'un moment à l'autre. Mlle Éloa faisait déjà des adieux extrêmement tendres, dans son cabinet de toilette, à Hippolyte, successeur légitime des héros dont j'ai plus haut énuméré les noms. Quel guignon que l'arrivée de ce birbe insupportable! On commençait à peine à se comprendre! O moisson trop hâtive d'un amour à peine mûri! Tout en déplorant cette séparation anticipée, la charmante fille achevait de retrousser sur sa nuque ambrée les lourdes nattes d'or de ses cheveux, tandis que dans un coin de la pièce coquette et tout imprégnée de chaudes odeurs, une vapeur légère et parfumée courait encore sur l'eau tiède d'une baignoire d'argent.

- Bonjour, mon beau Jacques! répétait avec plus de rage que jamais l'obstiné kakatoès.

- Vas-tu te taire, sale bête!... Oui, mon Hippolyte, nous nous reverrons!

- Bonjour, mon beau Jacques!

- Je vais te tordre le cou, maudit animal!... Oui, mon Hippolyte, je n'ai jamais aimé que toi!

- Bonjour, mon beau Jacques!

- Prends garde ou je t'étrangle!... Oui, mon Hippolyte je t'écrirai tous les jours.

- Bonjour, mon beau Jacques!

– Tiens! misérable oiseau!

Et, de sa petite main furieuse, saisissant le perroquet par l'échiné, Mlle de Saint-Minot le souleva de son perchoir et l'envoya, voletant et criant, rouler dans l'eau de la baignoire.

Au même instant un coup de sonnette retentissait et Hippolyte se sauvait par l'escalier de service. Mlle Éloa avait reconnu dans l'escalier le pas de l'amiral.

Il arrivait, le brave des braves! Une pluie torrentielle tombait depuis une heure et il n'avait pas trouvé de voiture à la gare. Mais voilà qui n'était pas fait pour retarder un brave de son ardeur. Il s'était courageusement rué sous l'ondée, abandonnant ses bagages à la consigne pour revoir plus tôt sa bien-aimée. Et voilà comment, ayant barbotté à même dans les flaques de la rue, il entrait ruisselant comme un fleuve, traînant une inondation aux pans de sa redingote et aux jambes de son pantalon.

Au même instant, l'oiseau parvenait à grand'peine, s'étant accroché aux bords glissants de la baignoire, après un bain consciencieux, à se mettre en équilibre, et secouait avec horreur ses plumes profondément mouillées et hérissées.

Apercevant l'amiral dans le même état que lui, il sauta d'un bond sur son épaule, et tandis qu'Éloa ouvrait ses beaux bras blancs à son bienfaiteur:

- Tu as donc dit aussi: Bonjour, mon beau Jacques? fit-il fort distinctement.

 

In deze vertelling varieert Silvestre op een eeuwenoud humoristisch motief uit de traditie van het volksverhaal. De 'clou' is bovendien nog steeds in omloop, in het bijzonder in de vorm van moppen.

In de Motif-Index of Folk Literature (Helsinki, 1932-1936) van Stith Thompson heeft dit motief nummer J551.5

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