Parijs - 19e eeuw Armand Silvestre Bibliothèque perroquettique Silvestre # 06

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  Waarin de wat zwijgzame papegaai Hamilcar, geboortig uit Brazilië, na een lang verblijf onder ongunstige en zeer nederige omstandigheden op zee een nieuwe toekomst tegemoet lijkt te gaan, nadat hij als huwelijksgeschenk in bezit is gekomen van de meer dan charmante madame de Belange. En hoe Hamilcars verleden hem parten speelt tijdens de eerste huwelijksnacht van voornoemde dame.   

1888

Fabliaux gaillards

 

Justes Noces

 

 

C'est à un bal qu'il l'avait vue pour la première fois, au premier bal où son père l'eût conduite. Car elle n'avait guère plus de seize ans, et jamais grâce plus douce n'avait tempéré l'éclat d'une triomphante jeunesse. De taille moyenne, elle avait de grands yeux où couraient de jolis reflets d’ardoise, comme sur l’eau d’un fleuve, avant l'orage. Ses cheveux étaient d'un noir tragique et se nouaient sur sa tête en masse lourde; son teint avait des pâleurs mates exquises. Mais ce qui la faisait elle-même très particulière et très attachante vraiment, c’était un grand air de réserve, un parfum de pudeur dont elle était comme enveloppée et comparable à l’odeur mystérieuse des violettes cachées dans le gazon.

Tout d'un coup, il fut pris par ce grand et honnête charme. Il avait eu le bonheur de ne se point disperser en tendresses faciles dans une trop longue vie de garçon; les amours légères avaient à peine ridé, comme le zéphyr qui passe, la surface calme de ses jours sans en empoisonner le fond. La première pensée qui lui vint fut celle que la probité d'une âme restée pure inspire. Pourquoi ne demanderait-il pas la main de cette adorable créature? Oui, messieurs les débauchés, sa main. Dans le monde des gens de bien, c'est par là qu'on commence. Le reste vient ensuite. Dans l'autre, c'est par là qu'on finit et ce n'en est pas plus gai.

Madame de Belange - ainsi s'appelait cette charmante personne - avait une petite fortune. Mais lui-même, Gaspard des Roseaux, n'était pas sans bien. A moins qu'il ne déplût formellement, il n'y avait aucune raison pour qu'il ne fait pas agréé. Quel rêve! Elle serait à lui, à lui seul, cette divine enfant aux regards baissés et qui marchait comme si elle eut toujours craint d'écraser une fleur ou d’effaroucher un papillon, délicieuse image de toutes les virginités, trésor jalousement gardé à sa tendresse! Ce beau et naïf sourire s’ouvriait sous ses lèvres comme une rose; tous ces beaux lis s’effeuilleraient sous ses doigts. Il respirerait, dans la solitude du bonheur, cette jeunesse embaumée; il éveillerait à un monde d’impressions nouvelles cette esprit charmant replié comme un oiseau, sous son aile! Quel rêve!

Quand il fallut quitter le bal, les lumières s’opalisant aux premières et blanches clarté de l’aube, sous les rideaux, il rentra chez lui comme absolument fou et rédigea immédiatement sa demande.

 

II.

Les choses marchèrent au gré rapide de ses désirs. M. de Belange, veuf de bonne heure, adorait sa fille Armande, mais il sentait tout le poids des responsabilités qui incombent à un père encore jeune ayant la garde d'un pareil bien. Armande était bien enfant, il est vrai, mais enfin son coeur pouvait parler plus tôt qu'on ne s'y attendait et d'ailleurs sa grande beauté l'exposait à être vivement recherchée. Tous les hommes ne nourrissent pas d'aussi honnêtes projets que ce bon Gaspard des Roseaux. Il était donc décidé à marier sa fille dès qu'une union convenable lui serait proposée. Mais elle? Armande? Mon Dieu, Armande ne sachant absolument rien, - non, rien, je vous le jure, - du mariage n'avait aucune bonne raison pour lui être hostile en principe. Cette institution

respectable lui apparaissait sous les espèces d’un nombre considérable de présents, dans la candeur menteuse d’une jolie toilette blanche, avec des semblants de liberté qui attiraient, sans qu’elle en approfondit la dangereuse douceur, et le droit de jouer sérieusement à la Madame avec ses jeunes amies. Elle n'y voyait pas plus loin et le mystère du lit ou l'on dort ensemble, sous les rideaux pudiquement fermés, ne la troublait même pas un instant. On ne porte pas au front et dans le cœur, une double fleur d'innocence plus exquise. J'ajouterai que Gaspard qui avait de bonnes façons et une grande distinction de manières lui sembla un monsieur avec qui la vie n'aurait rien de désagreabie.

Enfin, si délicieusement niaise qu'elle fut, elle n'en était pas moins, d'instinct et sans s'en rendre compte, intérieurement flattée et justement reconnaissante de la respectueuse tendresse qu'il lui témoignait par mille délicates attentions. Car la

bonne éducation et aussi une certaine timidité naturelle maintenaient, en lui, toute violence dans l'expression de son violent amour. Il brûlait intérieurement, le pauvre garçon, mais sans flamber et c'est tout au plus s'il laissait s'envoler quelque étincelle du rouge tison qu'il portait au cœur. Les accordailles se firent très simplement mais avec une grande cordialité. Armande mit sa jolie petite main qui ne tremblait pas dans celle de Gaspard frissonnante comme une feuille. Ne faillit-il pas se trouver mal au toucher de cette délicieuse main d'amoureuse inconsciente! Le raille qui voudra! Moi qui ne suis plus, en amour, qu'une vieille fripouille, je sais une main dont le seul contact me fait frémir comme un roseau sous le vent.

Le jour du mariage fut définitivement arrêté et les invitations lancées de tous côtés.

 

III

- Non, mon bon oncle, je ne veux pas que vous me donniez ce bracelet!

Ainsi parlait Armande à son oncle Honoré, le seul membre de sa famille à qui sa position ne permit pas de lui faire un coûteux cadeau. C'est que l'oncle Honoré avait été un noceur (Dieu lui pardonne, à la vieille bête!), qui avait mangé son patrimoine avec des demoiselles sans vertu. Mais c'était tout de même un brave homme et qui adorait sa nièce. Il avait beaucoup navigué sur les mers lointaines, courant après une fortune nouvelle qui n'était jamais venue.

- Il  faut bien cependant que je t'offre un souvenir, ma pauvre enfant!

- Un rien, alors, mon oncle, un rien qui vous appartienne et qui me sera cent fois plus cher qu'une parure.

- C'est que je n'ai pas grand'chose à moi, ma chère Armande. Au fait, tu aimes les oiseaux ?

- Je les adore.

- Eh bien, je te ferai don du perroquet qu'un matelot de mes amis m'a rapporté ces jours-ci, du Havre. Il est superbe vraiment et pas bavard du tout. Son maitre m’a assuré cependant qu’il parlait, mais seulement quand la peur ou quelque émotion violente lui deliait sa petite langue noire, pareille à un pépin de gros fruit. Il s’appelle Hamilcar et est extrèmement doux.

Armande battit des mains et sauta de joie! Elle embrassa par trois fois sur chaque joue l’oncle Honoré, qui avait des larmes dans les jeux, ravi qu’il était de cette tendresse sincère et honteux aussi de la pauvreté qui le faisait avare si malencontreusement.

Une heure après, il faisait son entrée avec Hamilcar sur le poing, Hamilcar qui écarquillait des yeux d’or clair dont la prunelle s’elargissait en ondes circulaires comme les ronds qu’une pierre dessine en tombant dans un bassin. Ces volatiles ont des amités soudaines. Armande eut aussi vite conquis Hamilcar que s’il eût été un homme. Il lui tendait son cou en le renflant pour qu’elle y plongeat le doigt dans l’épaisseur soulevée, par écailles larges, de ses plumes vertes. Un peu plus d’audace et il allongeait son bec aigu et dur vers les lèvres entr’ouvertes de la jeune fille où léclat de ses dents passait comme un filet de lait pur.

Ce fut tout de suite une adoration entre ces deux êtres également simples. J'en rougis pour mes frères en humanité, mais on eût proposé à Armande d'épouser Hamilcar au lieu de Gaspard, qu’elle eût certainement accepté. C’est au point et si sûr qu’elle le fit coucher dans son lit, sous un pli savamment arrondi des draps de fine toile.

IV

Il faut bien cependant que je vous révèle quelques particularités sur la vie antérieure de ce perroquet subitement promu à la dignité de concubin d’une chaste jeune fille. Hamilcar était né au Brésil de parents libres, et son enfance s’était écoulée dans les forêts. Un gredin de matelot en maraude l’y avait fait prisonnier un jour, et malgré une résistance héroïque, l’avait fourré dans une petite cage en bois. Hamilcar avait d’abord voulu mourir, mais quelques gouttes de vin clairet sur un morceau de sucre l’avaient décidé à vivre. Peu à peu il s’était fait sa captivité et s’était résigné comme un autre. Il avait grandi et avait suivi son ravisseur, mais sans lui pardonner jamais. Ce mathurin n’avait rien d’aillers de forts aimable et le pauvre oiseau était vraimant mal tombé. Car son possesseur exerçait sur le bâtiment des fonctions dénuées de toute poésie. Faisant partie d'un équipage de transport, il était préposé à la garde d'un certain endroit où les voyageurs ne vont que les une après les autres dans les bateaux bien tenus. On lisait sur la porte W.C., ce que les illettrés seuls pouvaient prendre pour les initiales de William Chexpire. Me suis-je bien comprendre? Ou faut-il que je vous rappelle les jolis vers attribués à Emile Deschamps:

Là, déplayant avec mystère

Un billet qu’elle ne lit pas

La belle vient, et, sollitaire

Dévoile un instant ses appas.

Si vous n’y êtes pas encore, c’est que vous avez abusé des contures de coings. Oui, le pauvre Hamilcar dut vivre sur son perchoir, tout près de cette porte décriée, n’entendant d’autre musique sacrée que celle des délivrances tumultueuses (car Jupiter seul peut lancer du haut de son trône le quos ego virgilien) et d’autres entretiens que la classique répouse au coup discret frappé par un visiteur impatient qui appèle la place déjà occupée.

Aussi ne savait-il répéter autre chose, et, en bête bien élevée, n’en abusait-il pas, - seulement. Comme l’avait très bien dit l’oncle Honoré, quand il éprouvait quelque terreur subite ou quelque vive impression.

Ah! Messieurs, messieurs! Rentrons vivement dans la poésie! Mouchez-vous, marquise. Le merveilleux parfum de votre dentelle ne sera pas de trop, comme dirait Boireau.

 

V

La chambre nuptiale avant le sacrefice. Une odeur charmante de toilette virginale portée tout le jour et dont l’édifice vient de s’ecrouler comme un bonhomme de neige que fond le premier soleil. Une lampe est baissée qui, seule éclare à peine, promenant sur les rideaux de grandes ombres estompées et vaguement escillantes. Tout est mystère et enchantement dans la pièce silencieuse: tout est attente et l’âme des puretés défaillantes s’evapore aux fleurs d’oranger qui jonchent le tapis. Armande est au lit déjà, dans le grand lit où elle aurait peur certainement, bien que ne sachant pas ce qu’on lui allait demander, si son fidèle Hamilcar n’était auprès d’elle, blotti dans un repli de son bras sous le transparent abri d’une guipure. Faut-il tout vous dire? Eh bien, Armande s’est endormie! Son souffle égal fait comme un bruit lointain de rames, tandis que sa pensée s’en va sur les mers bleues du Rêve. Ah! Ce qu’elle est belle ainsi, je renonce à vous le dire, dans la nuit épaisse de sa chevelure largement étendue sur l’oreiller, ses longs cils palpitants sur les joues comme des ailes d’oiseaux tremblants, et sa bouche doucement entr’ouverte par un tranquille de rire. Et l’ondoiement délicieux de son corps alangui sous le marbre assoupli des draps où ses formes sons comme montrées; le renflement divin des hanches et le bel enlacement des jambes dans la pose nonchalante du repos. Il y avait de quoi se mettre à genoux devant ce lit dressé comme un autel dans la paix muette d’un sanctuaire.

M. Gaspard des Roseaux, plus mort que vif, tant son émotion était grande, entra sur la pointe du pied dans un déshabillé qui sentait son gentilhomme impatiemment amoreux. D’un pas tremblant mais délibéré, comme un homme qui brûle ses vaisseaux, il marcha droit vers la couche, et subitement hardi comme les peureux farcis dans leur dernière heure, il souleva la couverture et glissa une jambe dessous. Mais il sauta subitement en arrière et tomba à la renverse, blême de surprise et d’effroi. Une voix, une grosse voix d’homme qui sortait du lit ne lui avait-elle pas dit bien distinctement:

- Il y a quelqu’un.

Emile Deschamps - Emile Deschamps de Saint Amand, Frans dichter. Geboren 20-02-1791 in Bourges, overleden 23-04-1871 in Versailles. HPM heeft de desbetreffende verzen niet in Deschamps' werk aangetroffen.

 

Boireau - HPM heeft geen auteur met die naam kunnen traceren. Mogelijk betreft het een zetfout en wordt de dichter Boileau bedoeld.

 

 

Justes Noces verscheen ook in Lyon s'amuse, 14 april 1887. Bron: Electronische bibliotheek Lyon

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