Parijs - 19e eeuw Maurice Rollinat (1846-1903)

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1846, 29 december Maurice Rollinat geboren in Châteauroux (Indre)

Rollinat se met très tôt au piano, pour lequel il semble avoir de grandes facilités. Dans les années 1870, il écrit ses premiers poèmes. Il les fait lire à Sand, qui l'encourage à tenter sa chance à Paris. Il y publie son premier recueil Dans les brandes (1877), qu'il dédie à Sand mais qui ne connaît aucun succès. Il rejoint alors le groupe des Hydropathes, fondé par Émile Goudeau, où se rassemblent de jeunes poètes décadents se voulant anticléricaux, antipolitiques et antibourgeois. Plusieurs soirs par semaine, la salle du Chat noir, célèbre cabaret parisien, se remplit pour laisser place à l'impressionnant Rollinat. Seul au piano, le jeune poète exécute ses poèmes en musique. (Il mit aussi en musique les poèmes de Baudelaire). Son visage blême, qui inspira de nombreux peintres, et son aspect névralgique, exercent une formidable emprise sur les spectateurs. De nombreuses personnes s'évanouissent, parmi lesquelles notamment Leconte de Lisle et Oscar Wilde.

Rollinat & Oscar Wilde

 

Jules Barbey d'Aurevilly « Rollinat pourrait être supérieur à Baudelaire par la sincérité et la profondeur de son diabolisme ». Il qualifie Baudelaire de « diable en velours » et Rollinat de « diable en acier. »

 

Rollinat door Nadar

1877

Dans les brandes

LXXI: Les Bàbillardes

 

Bavardes comme des perruches,

Elles cheminent vers le puits

Qui bâille au milieu des grands buis,

— Les abeilles rentrent aux ruches,

 

En grignotant le pain des huches,

Elles font des haltes, et puis,

Bavardes comme des perruches,

Elles cheminent vers le puits.

 

Elles vont balançant leurs craches,

Et moi, des yeux, tant que je puis.

Dans le crépuscule je suis

Ces diseuses de fanfreluches,

Payardes comme des perruches.  

18XX

Edgar Allan Poe's The Raven, vertaald door Maurice Rollinat

 

Le Corbeau

Traduit en vers français par Maurice Rollinat

 

Vers le sombre minuit, tandis que fatigué

J’étais à méditer sur maint volume rare

Pour tout autre que moi dans l’oubli relégué,

Pendant que je plongeais dans un rêve bizarre,

Il se fit tout à coup comme un tapotement

De quelqu’un qui viendrait frapper tout doucement

Chez moi. Je dis alors, bâillant, d’une voix morte:

« C’est quelque visiteur – oui – qui frappe à ma porte:

C’est cela seul et rien de plus! »

 

Ah! très distinctement je m’en souviens! c’était

Par un âpre décembre – au fond du foyer pâle,

Chaque braise à son tour lentement s’émiettait,

En brodant le plancher du reflet de son râle.

Avide du matin, le regard indécis,

J’avais lu, sans que ma tristesse eût un sursis,

Ma tristesse pour l’ange enfui dans le mystère,

Que l’on nomme là-haut Lenore, et que sur terre

On ne nommera jamais plus 

 

Et les rideaux pourprés sortaient de la torpeur,

Et leur soyeuse voix si triste et si menue

Me faisait tressaillir, m’emplissait d’une peur

Fantastique et pour moi jusqu’alors inconnue:

Si bien que pour calmer enfin le battement

De mon cœur, je redis debout: « Évidemment

C’est quelqu’un attardé qui, par ce noir décembre,

Est venu frapper à la porte de ma chambre;

C’est cela même et rien de plus. »


 

Pourtant, je me remis bientôt de mon émoi,

Et sans temporiser: « Monsieur, dis-je, ou madame,

Madame ou bien monsieur, de grâce, excusez-moi

De vous laisser ainsi dehors, mais, sur mon âme,

Je sommeillais, et vous, vous avez tapoté

Si doucement à ma porte, qu’en vérité

À peine était-ce un bruit humain que l’on entende! 

»Et cela dit, j’ouvris la porte toute grande:

Les ténèbres et rien de plus!>>

 

Longuement à pleins yeux, je restai là, scrutant

Les ténèbres! rêvant des rêves qu’ aucun homme

N’osa jamais rêver! stupéfait, hésitant,

Confondu et béant d’angoisse – mais, en somme,

Pas un bruit ne troubla le silence enchanté

Et rien ne frissonna dans l’immobilité;

Un seul nom fut soufflé par une voix : « Lenore! »

C’était ma propre voix! – l’écho, plus bas encore,

Redit ce mot et rien de plus!

 

Je rentrai dans ma chambre à pas lents, et, tandis

Que mon âme, au milieu d’un flamboyant vertige,

Se sentait défaillir et rouler, – j’entendis

Un second coup plus fort que le premier. – Tiens ! dis-je,

On cogne à mon volet! Diable! je vais y voir!


Qu’est-ce que mon volet pourrait donc bien avoir?

Car il a quelque chose! allons à la fenêtre

Et sachons, sans trembler, ce que cela peut être!

C’est la rafale et rien de plus!

 

Lors, j’ouvris la fenêtre et voilà qu’à grand bruit,

Un corbeau de la plus merveilleuse apparence

Entra, majestueux et noir comme la nuit.

Il ne s’arrêta pas, mais plein d’irrévérence

Brusque, d’un air de lord ou de lady, s’en vint

S’abattre et se percher sur le buste divin

De Pallas, sur le buste à couleur pâle, en sorte

Qu’il se jucha tout juste au-dessus de ma porte…

Il s’installa, puis rien de plus!

 

Et comme il induisait mon pauvre cœur amer

À sourire, l’oiseau de si mauvais augure,

Par l’âpre gravité de sa pose et par l’air

Profondément rigide empreint sur sa figure,

Alors, me décidant à parler le premier:

« Tu n’es pas un poltron, bien que sans nul cimier

Sur la tête, lui dis-je, ô rôdeur des ténèbres,

Comment t’appelle-t-on sur les rives funèbres? »

L’oiseau répondit: « Jamais plus! »

 

J’admirai qu’il comprît la parole aussi bien

Malgré cette réponse à peine intelligible

Et de peu de secours, car mon esprit convient

Que jamais aucun homme existant et tangible

Ne put voir au-dessus de sa porte un corbeau,

Non, jamais ne put voir une bête, un oiseau,

Par un sombre minuit, dans sa chambre, tout juste

Au-dessus de sa porte installé sur un buste,

Se nommant ainsi: « Jamais plus! »

 

Mais ce mot fut le seul que l’oiseau proféra

Comme s’il y versait son âme tout entière,

Puis, sans rien ajouter de plus, il demeura

Inertement figé dans sa raideur altière

Jusqu’à ce que j’en vinsse à murmurer ceci:

Comme tant d’autres, lui va me quitter aussi,

Comme mes vieux espoirs que je croyais fidèles,

Vers le matin il va s’enfuir à tire-d’ailes!

L’oiseau dit alors: « Jamais plus! »

 

Sa réponse jetée avec tant d’à-propos

Me fit tressaillir. « C’est tout ce qu’il doit connaître,

Me dis-je, sans nul doute il recueillit ces mots

Chez quelque infortuné, chez quelque pauvre maître

Que le deuil implacable a poursuivi sans frein,

Jusqu’à ce que ses chants n’eussent plus qu’un refrain,

Jusqu’à ce que sa plainte à jamais désolée

Comme un De profundis de sa joie envolée,

Eût pris ce refrain: « Jamais plus! »

 

Ainsi je me parlais, mais le grave corbeau,

Induisant derechef tout mon cœur à sourire,

Je roulai vite un siège en face de l’oiseau,

Me demandant ce que tout cela voulait dire.

J’y réfléchis, et, dans mon fauteuil de velours,

Je cherchai ce que cet oiseau des anciens jours

Ce que ce triste oiseau, sombre, augural et maigre,

Voulait me faire entendre en croassant cet aigre

Et lamentable: « Jamais plus! »

 

Et j’étais là, plongé dans un rêve obsédant,

Laissant la conjecture en moi filer sa trame,

Mais n’interrogeant plus l’oiseau dont l’œil ardent

Me brûlait maintenant jusques au fond de l’âme,

Je creusais tout cela comme un mauvais dessein,

Béant, la tête sur le velours du coussin,

Ce velours violet caressé par la lampe,

Et que sa tête, à ma Lenore, que sa tempe

Ne pressera plus, jamais plus!

 

Alors l’air me sembla lourd, parfumé par un

Invisible encensoir que balançaient des anges,

Dont les pas effleuraient le tapis rouge et brun,

Et glissaient avec des bruissements étranges.

Malheureux! m’écriai-je, il t’arrive du ciel,

Un peu de népenthès pour adoucir ton fiel,

Prends-le donc ce répit qu’un séraphin t’apporte,

Bois ce bon népenthès, oublie enfin la morte!

Le corbeau grinça: « Jamais plus! »

 

Prophète de malheur! oiseau noir ou démon,

Criai-je, que tu sois un messager du diable,

Ou bien que la tempête, ainsi qu’un goémon

T’ait simplement jeté dans ce lieu pitoyable,

Dans ce logis hanté par l’horreur et l’effroi,

Valeureux naufragé, sincèrement, dis-moi,

S’il est, s’il est sur terre un baume de Judée,

Qui puisse encor guérir mon âme corrodée

Le corbeau glapit: « Jamais plus! »

 

Prophète de malheur, oiseau noir ou démon,

Par ce grand ciel tendu sur nous, sorcier d’ébène,

Par ce Dieu que bénit notre même limon,

Dis à ce malheureux damné chargé de peine,

Si dans le paradis qui ne doit pas cesser,

Oh! dis-lui s’il pourra quelque jour embrasser

La précieuse enfant que tout son corps adore,

La sainte enfant que les anges nomment Lenore?

Le corbeau gémit: « Jamais plus! »

 

Alors, séparons-nous! puisqu’il en est ainsi,

Hurlai-je en me dressant! rentre aux enfers! replonge

Dans la tempête affreuse! Oh ! pars ! ne laisse ici,

Pas une seule plume évoquant ton mensonge!

Monstre! fuis pour toujours mon gîte inviolé,

Désaccroche ton bec de mon cœur désolé!


Va-t-en! bête maudite, et que ton spectre sorte

Et soit précipité loin, bien loin de ma porte!


 

Le corbeau râla: « Jamais plus! »

Et sur le buste austère et pâle de Pallas,

L’immuable corbeau reste installé sans trêve;

Au-dessus de ma porte il est toujours, hélas!

Et ses yeux sont en tout ceux d’un démon qui rêve;

Et l’éclair de la lampe, en ricochant sur lui,

Projette sa grande ombre au parquet chaque nuit;

Et ma pauvre âme, hors du cercle de cette ombre

Qui gît en vacillant – là – sur le plancher sombre,


Ne montera plus, jamais plus!

Vertalingen van Poe's The Raven door Charles Baudelaire en Stéphane Mallarmé

 

 

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1892 Levensmasker van Rollinat door Jean-Désiré Ringell-d'Illzach
1903, 21 oktober Maurice Rollinat overlijdt in Ivry
 

Ontwerp van een monument voor Maurice Rollinat door Rodin