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Hondjes, papegaaien en duivels
Ici une Dame fort aimable, que ce discours
impatientoit, ne pût s'empêcher d'interrompre l'Auteur du nouveau
systême ; Monsieur, lui dit-elle, avec beaucoup de vivacité, il
m'importe fort peu que les Diables soient humiliés ou non, & qu'ils
souffrent dès-à-présent les peines de l'enfer ; mais je ne veux pas
que les Bêtes soient des Diables. Comment ma
chienne seroit un diable qui coucheroit la nuit avec moi, & qui me
caresseroit tout le jour ? Je ne vous le passerai jamais. J'en dis
autant de mon perroquet, reprit une jeune Demoiselle; il est
charmant; mais si j’étois persuadée que ce fût un petit diable , il
me semble que je ne le pourrois souffrir. Je conçois, dit
l'Auteur, toute l'étendue de vos répugnances & je les excuse ; mais
donnez-vous la peine d'y réfléchir, & vous verrez que c'est l'effet
d'un préjugé qui doit céder à la raison. Aimons-nous les Bêtes pour
elles-mêmes ? Non. Absolument étrangères à la societé humaine ,
elles ne peuvent y entrer que pour l'utilité ou l'amusement. Eh !
Que nous importe que ce soit un diable ou une autre espèce qui nous
serve..
Ook oesters en slakken kunnen praten
Tels sont la plupart des Quadrupèdes , les Oiseaux,
les Poissons , les Reptiles, & c'est sans contredit le plus grand
nombre. Je ne sçais, Mad... si vous appercevez les conséquences du
premier pas que je viens de hazarder. Car s'il
y a quelques Bêtes qui parlent , il faut qu'elles parlent toutes. Si
les Castors & les Perroquets ont un langage, il faut que l'Huitre &
le Limaçon ayent le leur. Me voilà engagé, pour ainlî dire ,
dans un défilé dangereux dont les plus forts préjugés gardent toutes
les issuës. Mais dans le Pays dès systêmes , comme ailleurs, il n'y
a souvent que le premier pas qui coûte. J'ai prouvé, ce me semble,
avec assez de vraisemblance que les Bêtes qui vivoient en societé
dévoient nécessairement avoir un langage. Il faut étendre la
proposition à toutes les autres espéces de Bêtes.
Pourquoi en effet la nature auroit-elle refusé aux
unes un privilege qu'elle aurait accordé aux autres ? Rien ne seroit
plus contraire à l'uniformité qu'elle affecte dans toutes les
productions.
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BOUGEANT , Guillaume Hyacinthe , historien
distingué , né à Quimper en Bretagne , le 4 novembre 1690, entra au
noviciat à Paris, le 16 octobre 1706. Il enseigna les belles lettres
à Caen et à Nevers, et passa la plus grande partie de sa vie dans le
Collège de Louis le Grand à Paris ; il y mourut le 7 janvier 1743.
* Amusements philosophiques sur le langage des
bêtes. Paris, Gissey , 1739, in-12. —La Haye, Antoine Van Dale,
1739, in-12. — Nouvelle édition augmentée d'un avertissement,
d'un discours préliminaire, d'une critique , avec des notes et la
rétractation de l'Auteur. A Amsterdam , aux dépens de la
Compagnie, 1750 , in-12, pp. XLVII, 134 et 50 pour la : « Lettre
à Madame la Comtesse D*** pour servir de supplément à l'Amusement
philosophique sur le langage des bétes ». — Nouvelle édition
augmentée d'une Notice sur la Vie et les écrits de l'auteur, et à
laquelle se trouvent jointes la critique et la rétractation (publiée
par Née , libraire). Pékin (Paris , Gognée et Née de la Rochelle),
1782, in-12.
Cet ouvrage fut très-souvent réimprimé ; il fut
aussi traduit en italien, en anglais et en allemand. Le P. Paulian
en parle longuement dans son Dictionnaire de Physique.
Avignon , 1761 , in 4°, T. Ier, p. 264-271.
Pour une critique de cet ouvrage, voyez encore Botta.
Cet écrit ayant excité des plaintes, l'auteur fut
envoyé de Paris à la Flèche, d'où il revint quelque temps après.
Il tâcha de remédier, à ce qui avait offensé dans cet écrit, en
publiant une lettre qu'il adressa à cette occasion à M. l'abbé
Savalette, sous ce titre :
Lettre du P. Bougeant, Jésuite , à M. l'abbé
Savalette , conseiller au grand Conseil. in-4° et in-12. Elle
est datée du 12 avril 1759.
Peu de temps après la publication de l'Amusement
parut une « Lettre ( critique) à Madame la Comtesse D*** pour
servir de supplément à l'Amusement philosophique sur le langage des
bêtes ». Elle est d'Aubert de la Chesnaye, capucin réfugié en
Hollande, et fut imprimée peu après avec quelques augmentations
auxquelles la lettre du P. Bougeant à M. Savalette donna lieu. La
lettre d'Aubert est une brochure de 40 pages in-12. Dans la
Bibliothèque Françoise , journal imprimé à Amsterdam , chez
du Sauzet, tome 50 , deuxième partie , on trouve deux autres lettres
sur le même écrit du P. Bougeant: l'une « à Madame la marquise de***
sur le langage des bêtes » ; l'autre beaucoup plus courte « M. De
Saint M.... sur la lettre du P. Bougeant à M. Savalette ». Dans la
première on réfute le badinage du jésuite sur le sort des démons ,
et remploi qu'il leur donne : dans la deuxième , on badine sur la
rétractation. La première est du 12 avril 1739, la seconde du 4 mai.
Dans le Mercure Suisse , ou Journal Helvétique , avril 1739 , on
trouve aussi un long extrait critique de l'écrit du P. Bougeant ,
que l'on appelle mal Beaujou dans ce journal , et une addition sur
le même sujet, dans le journal du mois de Mai : on y rétablit le
vrai nom de l'auteur. — Autre lettre sur le même sujet, dans le même
journal , février 1743.
Bron: Augustin & Alois de Backer,
Bibliothèque des écrivains de la Compagnie de Jésus; Luik 1853 |