Parijs - 19e eeuw Armand Silvestre Bibliothèque perroquettique Silvestre # 08

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  Over de bijzondere uitvinding proefondervindelijk gedaan door een wetenschapper, een bankier, en diens maîtresse, die hem bedriegt met een deurwaarder. Hoe de deurwaarder hals over kop het bed van de schone Lysca verlaat, onderweg geplaagd wordt door hevige papegaaiengeluiden in zijn buik, en hoe een en ander zowel de deurwaarder als de bankier noodlottig werd.   

1892

Contes audacieux

Evaporé

 

 

I

Ce n'est pas à Paris seulement que les huissiers trop galants disparaissent sans qu'on en puisse acquérir de postérieures nouvelles. Le même fait, heureux pour tant de gens, vient de se produire à Vienne, en Autriche, dans des circonstances dont seul j'ai pénétré le secret. De tels accidents ne se manifestent pas avec une telle continuité cosmopolite sans qu'il y ait une loi générale à en déduire. Je crois que l'enseignement qu'il faut tirer de cette série de phénomènes internationaux, c'est qu'il devrait être sévèrement interdit, dans tout pays civilisé, aux huissiers de se reproduire hors de leur domicile. La graine en est trop pernicieuse pour qu'il soit licite de la semer dans le vent. Ainsi, par un fait d'atavisme incontesté, naissent, dans un tas de familles innocentes, de jeunes drôles qui ont, dans la poitrine, un protêt en place de cœur. Est-ce qu'on laissait autrefois MM. les bourreaux enfanter chez autrui? Non pas. Ils devaient se transmettre la semence homicide de père en fils sans en rien laisser perdre au dehors. On s'est départi de cette sage coutume. Les exécuteurs de hautes œuvres sont maintenant des godelureaux qui font la fête entre deux tête-à-tête place de la Roquette. Tous ces jeunes assassins qui pullulent aujourd'hui ne viennent pas d'une autre souche. Ce sont des bourreaux naturels à qui la société n'a pas donné de place.

Mais je reviens à mon austro-huissier disparu.

Ou, plutôt, pour l'intelligence complète de cette aventure, je vous conduis dans le laboratoire du célèbre professeur Hans Von Mounich, chimiste émérite habitant la même ville que l'officier ministériel. Ce Hans Von Mounich, très partisan de l'alliance allemande, avait étudié à fond la question de la poudre ne faisant ni bruit, ni fumée, espérant ainsi fournir à l'armée prussienne un gage de son patriotisme et de sa fidélité. Un mot sur la nature de ses recherches ne sera pas sans intérêt.

 

Très observateur, ce savant cuisinier avait remarqué que l'homme est la seule machine de guerre qui produisit des explosions sans fumée. Il en avait immédiatement conclu que du haricot seul devait s'extraire une quintescence végétale servant de base au précieux produit. Mais le haricot est bruyant. Par une plus subtile série d'expériences, auxquelles toute sa famille se prêta avec un admirable dévouement, Hans Von Mounich constata que dans l'ordre de phénomènes digestifs et primordiaux dont il était parti, le bruit est en raison inverse de la senteur. Parfumer artificiellement la soissonite (ainsi le savant, qui avait de la géographie, avait baptisé son extrait), était indiqué. Une seconde série de travaux dans ce sens rendit la soissonite aussi silencieuse que dénuée de vapeurs.

Restait le mode d'explosion. En expérimentant toujours sur sa femme, ses filles et ses neveux, l'intrépide chercheur découvrit qu'une pression brusque sur le ventre, âme de la pièce vivante, déterminait sûrement l'effet. C'est donc le choc qui devait déterminer l'explosion.

Et, par des distillations successives, par des dessications répétées, par un long voyage au pays des cornues (ce n'est pas des femmes trompées que je parle), il avait obtenu mon orgueil national souffre d'en convenir l'idéal du genre une poudre ne faisant aucun bruit, ne soulevant aucun nuage, inflammable au choc, et d'une telle puissance qu'un ou deux grains seulement, allumés en plein air, volatilisaient absolument tout ce qui se trouvait dans un espace de plusieurs mètres carrés, et que la force expansive en faisait éternuer les oiseaux eux-mêmes dans les silencieux chemins du ciel.

Or, au jour mémorable dont je parle, le glorieux Hans Von Mounich venait de préparer la cartouche d'honneur qu'il comptait offrir solennellement à l'empereur d'Allemagne, en la suppliant d'en faire lui-même usage dans son auguste carabine. Avec une barbe de plume et très légèrement, par prudence, le savant balaya la table où avait eu lieu la trituration, recueillit dans un journal les quelques poussières que l'opération avait laissées après elle, et secoua le papier par la fenêtre pour que rien ne put révéler son secret! Après quoi il s'en fut se promener, résolu à changer, par reconnaissance, le nom de soissonite qu'il avait donné d'abord à son invention, en celui de Gertrudine, en souvenir de sa fille aînée Gertrude, qui pendant les expériences lui avait fourni les plus utiles et les plus copieux documents.

 

II

L'huissier galant se nommait Johannisberg. C'est au lit de la belle Lysca que nous le surprenons, de Lysca la Rousse, ayant dans les cheveux un Pactole et deux larges gouttes d'eau-de-vie de Dantzig dans les yeux, une créature de vertu médiocre mais de chair abondante, rose, avec de vagues constellations sur une peau d'un merveilleux satin. Delicias domini , comme dit le doux Virgile. Elle avait pour protecteur attitré le baron juif Jacob Kahn qui avait le sémitisme tout à fait généreux. Bourrée d'or et de présents par ce prodigue fils d’Abraham, elle ne l'en trompait pas moins, comme vous la voyez, avec la sémillant barbouilleur de papier timbre. Il faut rendre cette justice aux femmes qui, même celles qui passent pour se vendre, ne se vendent jamais. Elles se prêtent tout au plus. Ainsi donnent-elles une utile leçon aux imbéciles qui croient que l'amour s'achète. Elle avait raison cette Lysca de faire son bienfaiteur cocu. Seulement elle aurait pu mieux choisir qu'un huissier. Un poète, par exemple. Car les poètes aiment aussi, et plus encore, les belles chairs copieuses dormant, comme des lacs, sous les belles chevelures éplorées comme des saules.

Le baron avait-il des soupçons? Toujours est-il qu'il rentra à l'improviste, sans crier: au loup! comme on devrait exiger des cocus qu'ils le fassent, avant de glisser leur clef dans la serrure de leurs maisons. Johannisberg n'était pas un garçon belligueux ni obstiné. Il détala sans disputer la place. Fort heureusement n'avait-il pas quitté ses habits, comme je sais des imprudents qui le font en pareille occurrence, -- faites-le tout de même, mes enfants; l'Amour, comme la Vérité doit se consommer à nu -- ce qui lui permit de se sauver par la rue, sans que les dévotes revenant de leurs oremus poussassent des cris de paon. Après deux ou trois zigzags heureux qui avaient certainement dû faire perdre sa piste, il s'arrêta, essoufflé, au tournant d'une rue, s'épongea le front, et se remit à marcher, mais plus paisiblement, voire à tous petits pas, comme un homme qui médite.

Ah! que je serais embarrassé maintenant de poursuivre mon récit, n'était cette admirable histoire du Perroquet qui me fut contée, il y a quelques jours, et qui est bien une des choses qui m'ont fait te plus rire au monde. Vous savez que la peur est un purgatif avisé? C'est méme le plus économique de tous et le moins désagréable au goût à la fois. Notre homme avait eu une frousse de tous les diables et il commençait à en ressentir les lénitifs effets. Mettons que ce fut un Perroquet qui se débattit dans sa cage naturelle, sous le képi que nous appelons pantalon, et que les cris de liberté que lui poussait intérieurement l'oiseau ne lui permissent pas d'en retarder plus longtemps l'envolée.

On sait que Vienne est la capitale la moins hospitalière du monde pour les oiseleurs de cette espèce et qu'il n'y existe pas de volières publiques pour les amateurs. Passez, gais bateliers, sans regarder les rives! Tout passant est une prison vivante du Pape dans ce pays-là. Le Perroquet commençait a fourrer au pauvre huissier de grands coups de bec dans le ventre. Il ne disait pas: Coco. Mais il bredouillait un tas de sons inarticulés et menaçants.

La nuit tombait. Les gens de police causaient de leurs petites affaires dans un carrefour. Johannisberg prit un héroïque parti. Devant la première maison venue, il fit le simulacre de s'asseoir, bien qu'il sût parfaitement qu'il n'y avait pas de siège. Un vague bruit d'ailes et ce fut fait. Le perroquet était libre. Ouf! fit l'homme, en remontant son haut-de-chausses, mais pas assez vite pour que la poussière explosible que le savant Hans Von Mounich vidait, précisément, au même instant par sa fenêtre, ne logeât quelques-uns de ses grains presque invisibles dans la culotte entrebâillée de l'huissier.

Voilà ce que c'est que de manquer de respect pour les immeubles des princes de la science.

 

III

Sans se douter de rien, Johannisberg avait repris son chemin, très rasséréné et tout au souvenir des caresses demeurées interrompues sur le lit tiède de Lysca. Est-ce que ce baron ne lui ficherait pas la paix! Il proposerait à Lysca de le planter là pour ne plus vivre qu'avec lui. Le métier était bon. Trois ou quatre cents protêts de plus faits à tort, et le produit de l'étude lui permettrait cette folie. Il en avait assez de souffrir les familiarités de cet isréalite.

Ah! pardieu, si ce n'avait pas été pour Lysca, il lui aurait donné une belle leçon! Il était bon garçon, mais il ne fallait pas qu'on l'embêtât!

Comme il en était là de ce belligueux monologue, le baron, qui avait continué à le poursuivre, l'atteignait justement sans bruit, par derrière, et lui envoyait, au bon endroit, un formidable coup de pied.

Un malencontreux atome de gertrudine se trouva sur le chemin. Le choc l'enflamma. Ni bruit, ni fumée, mais l'espace balayé et pas un chat dans la rue, où les vitres avaient légèrement tressailli.

L'huissier et le baron avaient été littéralement volatilisés.

L'huissier est activement recherché par la police, comme notre sieur Gouffé.

Quant au baron on ne s'est aperçu de rien. Un de ses frères, qui lui ressemble comme deux gouttes d'eau et qui a le même accent, a pris immédiatement sa place dans la maison de banque, pour que le crédit de celle-ci ne fût pas atteint. Les employés eux-mêmes ne se sont pas doutés de la substitution.

La belle Lysca non plus, que le faux Jacob continue à aller voir aux mêmes heures que le vrai, et qui lui fait absolument les mêmes choses pour que les traditions de la famille ne se perdent pas.

  Soissonite - van de stad Soissons.  Silvestre gebruikte de verwijzing naar de bonen uit de streek van Soissons al eerder; KLIK HIER

delicias domini -- Silvestre verwijst naar de eerste regels van P. Vergilius Maro's 'Ecloga secunda'. Die als volgt begint:

Formosum pastor Corydon ardebat Alexin,
delicias domini, nec quid speraret habebat.

[De herder Corydon brandde van liefde

Voor de schone Alexis, zijn meesters lief...]

 

 

Evaporé in L'Echo de Paris, 22-08-1889